Asile : la Cimade dénonce le "code de la honte"

29 Août 2018
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Le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 26 juillet dernier. Dans un communiqué (27 juillet), la Cimade estime, qu’en dépit des différentes lectures au Parlement, la philosophie du texte reste la même. "Il est dangereux et consacre une véritable chute de droits pour les personnes étrangères", indique la Cimade. En juillet dernier, "l’Assemblée est revenue sur une version quasi identique à celle qu’elle avait adoptée en première lecture, en faisant siennes certains des durcissements de la droite sénatoriale", note l’ONG qui déplore plusieurs mesures "qui vont considérablement dégrader les conditions des personnes migrantes". Il s’agit de : l’allongement de la durée de la rétention administrative jusqu’à 90 jours y compris pour les familles accompagnées d’enfants mineurs ; une intervention du juge des libertés et de la détention dans les quatre jours suivant le placement en rétention ; l’absence de recours suspensif pour les personnes originaires d’un pays dit "sûr", pour celles qui demandent le réexamen ou qui sont considérées comme présentant un trouble grave à l’ordre public ; le cantonnement des personnes demandeuses d’asile ; la systématisation des mesures de bannissement et la multiplication de mesures de surveillance à l’encontre des personnes étrangères ; l’extension des possibilités de prononcé d’une interdiction du territoire français ; la banalisation des audiences par visioconférence ; la complexification de la procédure de reconnaissance de filiation et le durcissement de l’accès à un titre de séjour pour les parents d’enfants français ; le fichage des personnes mineures isolées ; la possibilité pour les préfectures de passer outre les avis médicaux dans le cadre de la procédure de régularisation pour raisons de santé. Il est, par ailleurs, "regrettable que le gouvernement et le Parlement n’aient pas saisi l’occasion de cette réforme pour interdire l’enfermement en rétention des enfants ou abroger réellement le délit de solidarité", indique la Cimade. L’Assemblée ayant le dernier mot, la deuxième lecture par le Sénat mardi 31 juillet risque d’être une simple formalité. Dans son  communiqué, la Cimade explique voir dans ce projet de loi : "Une amplification d’une politique migratoire brutale qui se traduit par des refoulements quotidiens aux frontières italiennes et espagnoles, des pratiques illégales en centre de rétention, la criminalisation des personnes solidaires, etc.Alors que l’actualité aurait dû pousser la France à réinventer une politique d’hospitalité, la peur de l’autre, l’obsession du contrôle, de l’enfermement et des expulsions continuent de guider les responsables politiques. La Cimade regrette que la perspective d’une politique migratoire d’ouverture et centrée sur l’accueil soit encore une fois enterrée". Le 31 juillet 2018, le projet de loi est passé pour une dernière lecture au Sénat. Lors de sa séance publique du 31 juillet, le Sénat a rejeté, en nouvelle lecture, le projet de loi. Après l’échec de la commission mixte paritaire le 4 juillet 2018 (voir sur Seronet), le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (fin juillet) n’a pas convaincu la majorité sénatoriale. Cette dernière a estimé que le nouveau texte ne prenait que "très marginalement en compte les préoccupations exprimées par le Sénat". Le sénateur Philippe Bas (Les Républicains – Manche), président de la commission des lois du Sénat, a indiqué que : "Ce projet constitue une véritable occasion manquée en matière de lutte contre l’immigration irrégulière : il ne comprend aucune stratégie pour une maîtrise efficace des flux migratoires, ni aucune des mesures de rigueur proposées par le Sénat". Devant le décalage entre les deux chambres, le Sénat, à la majorité des suffrages exprimés, a jugé vain de poursuivre le débat et a rejeté le projet de loi. C’était sans conséquences puisque c’est l’Assemblée nationale qui a toujours le dernier mot. Le texte a donc été voté à l’Assemblée nationale définitivement le 1er août par 100 voix pour sur 125 votes exprimés. Des sénateurs et sénatrices socialistes, opposés au texte, ont saisi le Conseil constitutionnel le 6 août dernier concernant ce texte. "Ce texte élaboré dans la précipitation et sans diagnostic des réformes précédentes, n'a pas réussi à faire la démonstration ni de son utilité, ni de son efficacité pour répondre aux défis migratoires", écrivent-ils dans un communiqué. Dénonçant "d'importants reculs des droits des étrangers et des demandeurs d'asile", ils interpellent le Conseil constitutionnel sur "plusieurs points majeurs". "D'abord, nous refusons la remise en cause des règles d'acquisition de la nationalité à Mayotte", énoncent les sénateurs socialistes. "Ensuite, nous posons un refus clair et déterminé à la rétention des mineurs", "enfin, le maintien du délit de solidarité, au mépris du principe récemment consacré de fraternité est une faute politique majeure". Les trois groupes de gauche de l'Assemblée nationale avaient annoncé, début août, avoir saisi le Conseil constitutionnel sur ce texte, arguant qu'il "porte atteinte au respect des droits de la défense" et "au principe d'indivisibilité de la République et au principe d'égalité: en effet, le texte remet en cause les règles essentielles et anciennes en matière de nationalité, en instaurant pour le seul cas du territoire de Mayotte, une condition relative à la régularité (avec titre de séjour) ou à la durée du séjour en France pour l'acquisition de la nationalité française d'un enfant né en France".