Athènes et le succès du plan Aristote

24 Mars 2018
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En 2011, la Grèce a connu une forte augmentation du nombre de nouvelles infections à VIH chez les consommateurs de drogues injectables, rappelle l’Onusida (16 mars). Avant, le nombre de nouveaux diagnostics stagnait autour de onze cas par an à Athènes, mais il est soudainement passé à 266. Pour la première fois, la consommation de drogues injectables et l’échange d’aiguilles sont devenus la principale source de nouvelles infections à VIH en Grèce, pointait alors la faculté de médecine de l’université d’Athènes. Devant cette situation inquiétante, un certain nombre d’acteurs et de structures (l’Organisation grecque contre les drogues, l’Université elle-même, plusieurs organisations non gouvernementales) lançaient alors un programme baptisé Aristote, destiné à "identifier, dépister, traiter et maintenir" afin de stopper l’épidémie. Le premier défi consistait à trouver les personnes consommatrices de drogues injectables et à déterminer si elles étaient concernées par le VIH, explique l’Onusida dans un communiqué. "Beaucoup vivaient dans la rue, certains avaient fait des séjours en prison et, dans de nombreux cas, il s’agissait de personnes migrantes qui ne parlaient pas le grec", raconte Vana Sypsa, professeure assistante en épidémiologie et médecine préventive à l’Université d’Athènes et co-responsable du programme Aristote. Selon les expert-e-s locaux, la récession économique qui a particulièrement frappé le pays a eu pour conséquence que beaucoup de personnes ont perdu leur emploi, voire leur logement, que certaines se sont mises à consommer des drogues et à partager le matériel d’injection, et le nombre de personnes sans-abris a explosé. Vana Sypsa ajoute qu’en plus, les seringues stériles sont devenues difficiles à obtenir et que les listes d’attente dans les centres de traitement substitutif aux opiacés se sont allongées. Le programme Aristote s’est appuyé sur un système de coupons : des pairs ont pu recruter d’autres personnes pour qu’elles viennent faire un test de dépistage du VIH en échange d’une modeste indemnisation financière. Le centre qui proposait ces dépistages distribuait également des repas, ainsi que des préservatifs et des seringues neuves. Les conseils sur le VIH étaient assurés par Positive Voice, une association de personnes vivant avec le VIH, tandis que l’association Praksis dispensait des services d’interprètes et d’aide à l’obtention de documents d’identité pour les personnes migrantes. Au final, plus de 3 000 personnes ont bénéficié des services d’Aristote. Environ 16 % des participant-e-s ont été diagnostiqués positifs au VIH et ont eu la possibilité d’accéder immédiatement à un traitement antirétroviral, les travailleurs sociaux se chargeant de l’accompagnement pour prendre les rendez-vous nécessaires. Ils ont également été prioritaires pour l’accès au traitement substitutif aux opiacés. Comme l’explique Vana Sypsa, avant même la fin du programme, les nouvelles infections à VIH avaient chuté de 78 % à Athènes. "Aristote a permis d’éviter 2 000 nouvelles infections à VIH et nous avons constaté un recul des comportements à haut risque chez les consommateurs de drogues injectables, au moins une fois par jour", précise Vana Sypsa. Cinq ans après, c’est un nouveau programme qui vient d’être lancé, mais cette fois dans le but d’accroître l’accès aux soins et au traitement du VIH et du VHC chez les personnes consommatrices de drogues injectables.