Baclofène : rapport, avis et agacement

23 Juillet 2018
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Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le baclofène, l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié, début juillet, l’avis de la commission consultative mixte ad hoc sur l’évaluation de l’utilisation de ce médicament dans le traitement de patients alcoolo-dépendants. La commission de l’ANSM qui a planché a auditionné (3 juillet) des représentants-es de professionnels-les de santé et d’associations de patients-es de manière à disposer d’un éclairage global sur l’utilisation du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Les auditions ont été diffusées en direct sur la chaine Dailymotion de l’ANSM. L’avis de la commission vient compléter l’expertise conduite par l’Agence et par le Comité scientifique spécialisé temporaire  (CSST) qui a rendu un avis en avril 2018 sur l’évaluation du rapport bénéfice/risque du baclofène dans cette indication. L’ANSM prendra sa décision sur la demande d’AMM du baclofène, au plus tôt à la rentrée, en s’appuyant sur l’ensemble de ces éléments. Dans l’attente de la décision de l’ANSM sur la demande d’AMM, la RTU en cours est maintenue. Dans un communiqué, la Fédération Addiction se montre critique sur le travail de l’ANSM : "Commission "baclofène" à l’ANSM : un pas en arrière, deux pas en avant ?" titre-t-elle d’ailleurs son dernier communiqué de presse. "Le baclofène doit rester à la disposition des patients-es et des prescripteurs dans le traitement de l’alcoolo-dépendance", explique la Fédération Addiction. Suite au dépôt d’une demande d’AMM déposée par le laboratoire Ethypharm concernant la spécialité Baclocur (baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance) pour faire suite à la RTU modifiée qui limitait à 80 mg/j la posologie maximum de baclofène dans cette indication, le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST ) mandaté par l’ANSM avait rendu un avis négatif concernant le rapport bénéfices/risques de ce traitement en raison de  différents signaux préoccupants concernant la sécurité d’emploi de ce médicament surtout à hautes doses. "L’inquiétude des patients concernés, de leur entourage et des soignants était donc majeure car cet avis pouvait conduire au refus de l’AMM, à l’arrêt de la RTU et donc au retrait du baclofène dans cette indication ! Un nouvel épisode invraisemblable dans la saga déjà (trop) animée du baclofène", rappelle le communiqué de la Fédération addiction. Cependant, suite à la mobilisation des associations de patients, de prescripteurs et des fédérations professionnelles et conscient que le baclofène répondait à une réelle attente et que le problème posé avait une réelle dimension sociétale dépassant la seule évaluation classique d’un médicament, le directeur général de l’ANSM décidait pour la première fois de créer et de convoquer une "Commission mixte ad hoc", réunissant des membres des trois commissions régulières de l’ANSM pour rendre un avis sur l’évaluation de l’utilisation du baclofène dans le traitement des patients alcoolo-dépendants. Comme on a vu plus haut, cette commission s’est réunie les 3 et 4 juillet, la journée du 3 juillet était consacrée à l’audition des parties prenantes  dont la Fédération Addiction. Ces auditions ont permis à cette commission, malgré l’avis du CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire), de se prononcer en faveur de l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants et donc contre le retrait de ce médicament dans cette indication. En revanche, la Commission est défavorable à la demande d’AMM telle que proposée par le laboratoire Ethypharm. A la différence d’une RTU pour laquelle une simple présomption d’efficacité peut être suffisante, une AMM impose que le rapport bénéfices/risques soit établi, ce qui, aux yeux de la commission, n’était pas le cas au regard des seuls éléments produits dans le dossier présenté par le laboratoire. A la suite des auditions et des dernières données internationales, la  Commission propose que l’utilisation du baclofène puisse se poursuivre notamment selon les conditions suivantes : dans l’indication des troubles de l’usage d’alcool après échec des thérapeutiques disponibles avec l’objectif d’une réduction de la consommation d’alcool jusqu’à un niveau de consommation à faible risque ; prescription par tout médecin jusqu’à la posologie de 80 mg/jour. Au-delà de cette posologie, une prise en charge pluridisciplinaire spécialisée doit être systématiquement proposée compte-tenu d’une augmentation de la fréquence des effets indésirables graves avec l’augmentation des doses ; pas de contre-indication en cas de troubles psychiatriques associés mais nécessité d’une orientation pour avis ou suivi vers un médecin psychiatre ; la prescription de baclofène doit être associée à une prise en charge psychothérapeutique et/ou psychocorporelle et/ou sociale, systématique ; la prescription de baclofène doit être accompagnée d’un livret de suivi et de promotion du bon usage du baclofène. Au final et malgré l’avis négatif concernant le dossier d’AMM pour le "Baclocur", la Commission demande bien le maintien de l’indication du baclofène dans les troubles d’usage d’alcool et propose même d’assouplir les possibilités de prescription par rapport à l’actuelle RTU en ne les limitant plus à 80 mg/j et en ne retenant pas les contre-indications pour troubles psychiatriques proposées par exemple dans le dossier du laboratoire. Elle rappelle enfin la nécessité d’une approche globale, non exclusivement médicamenteuse, pour faire face à une problématique aussi complexe. "Il reste maintenant à l’ANSM de prendre une décision, nous ne doutons pas qu’elle s’inscrive dans la dynamique assez consensuelle ainsi lancée", conclut le communiqué de la Fédération Addiction.