Barrage en Guyane : Succès pour les associations

19 Février 2017
1 784 lectures
Notez l'article : 
1
 
0

En Guyane : des barrages policiers entravent depuis des années l’accès aux droits de personnes sans papiers ou françaises, mais dépourvues de preuve de leur nationalité. Une requête en annulation avait été déposée en octobre 2013 par huit associations (AIDES, la Cimade, le Collectif Haïti de France, le Comede, la Fasti, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et Médecins du Monde) devant le tribunal administratif de Cayenne. Pour les associations, il s’agissait d’un "excès de pouvoir" de la part de l’administration. Les associations appuyaient alors leur requête sur la violation de plusieurs droits fondamentaux : liberté d’aller et venir, droit à un recours effectif lorsque la vie privée et familiale est en jeu, égalité devant la loi, droit à la santé et à l’éducation. Pour les associations, ces contrôles d’exception sont contraires à la position de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a considéré que ni le contexte géographique, ni la pression migratoire de la Guyane ne pouvait suffire à justifier des infractions à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH, grande chambre, 13 décembre 2012, de Souza Ribeiro c./ France, req. N° 22689/07). Les associations avaient donc saisi la justice administrative estimant qu’il était temps que cessent, en France d’outre-mer, les dispositifs dont le caractère est "exceptionnel et dérogatoire au strict droit commun" et au droit international.
En décembre 2014, le tribunal administratif de Cayenne rejette la demande des associations. Elles font appel de la décision. Le 18 juin 2015, la cour administrative d’appel de Bordeaux rejettent leur appel contre le premier jugement — celui de Cayenne). Les associations décident alors de saisir le Conseil d’Etat. Le vendredi 13 janvier 2017, s’est tenue l'audience au Conseil d'Etat sur le recours contre les barrages permanents de Guyane. La décision a été rendue, le 7 février dernier : elle est favorable aux associations. Par cette décision, l'arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux ainsi que le jugement du tribunal administratif de Cayenne sont annulés en ce qu'ils ont déclaré irrecevable la requête commune aux associations. Dans sa décision, le Conseil d’Etat reconnaît que les associations plaignantes avec bien un intérêt à agir. Le tribunal administratif de Cayenne et la cour administrative d'Appel de Bordeaux avaient considéré qu'aucune des associations n'avait d'intérêt à agir. Autrement dit, ils avançaient que les associations n’étaient pas légalement fondées à remettre en cause l’arrêté sur les barrages. Le Conseil d’Etat dit- qu’ils ont eu tort. Conséquence : le tribunal de Cayenne doit reprendre sa copie depuis le début et se prononcer sur le fond de l'affaire, autrement dit sur la compatibilité des barrages avec le principe d'égalité entre les lois de la métropole et des territoires ultramarins, la liberté d'aller et venir, protégés par la Cour européenne des droits de l’Homme. Enfin, le Conseil d’Etat condamne l’Etat à verser 1 000 euros à chaque association plaignante. Cette décision, une belle victoire pour les associations, ne suspend pas immédiatement les barrages sur le terrain : les arrêtés sont renouvelés tous les six mois et ce n'est pas celui qui est actuellement en vigueur qui était formellement examiné par le Conseil d’Etat. Néanmoins, cela porte un sérieux mauvais coup à la pérennité d’arrêtés barrages dénoncés depuis longtemps par des organisations non gouvernementales, dont AIDES.