Brésil : le VIH en hausse chez les jeunes

21 Août 2014
2 474 lectures
Notez l'article : 
0
 

"On aurait dit que je vivais dans une autre partie du monde, et je me sentais immunisé". Lorsqu’il a appris, encore mineur, qu’il était séropositif dix ans plus tôt, Pierre Freitaz n’a pas compris, confie-t-il à l’Associated Press. Dans un pays où le système permet un accès généralisé au traitement, le constat alarmant d’une hausse des contaminations se fait jour. Alors que les taux d'infection au VIH ont légèrement diminué ailleurs, le nombre de cas augmente lentement au Brésil et notamment chez les jeunes de 15 à 24 ans. "C'est un paradoxe, une honte. Après tout cet argent dépensé sur des traitements et la mise en place d'une politique pour que tous les reçoivent, nous avons des résultats désastreux", déplore, auprès de l’agence de presse, Caio Rosenthal, docteur spécialiste de Sao Paulo travaillant pour l'Institut Emilio Ribas des maladies infectieuses. L’ONUSIDA rapporte 44 000 nouvelles infections détectées l'an dernier au Brésil, un chiffre en hausse constante depuis 2005. Pire, le ministère de la Santé a indiqué que le nombre d'infections totales avait atteint près de 800 000, la moitié des cas en Amérique du Sud. Un revers pour un pays qui avait réagi dès les débuts de l’épidémie du sida, en mettant en place prévention et éduction sexuelle, puis un accès aux traitements pour tous. Selon certains spécialistes, c’est la part de plus importante de chrétiens évangélistes, défavorables aux campagnes de sensibilisation chez les jeunes, mais aussi auprès des gays et des travailleuses et travailleurs du sexe, qui seraient responsable de ce regain du VIH au Brésil. Dirceu Greco, l'ancien chef du Département des infections transmissibles sexuellement, du sida et des hépatites virales au ministère de la Santé, affirme que "l'opposition des leaders évangéliques a entraîné d'importants reculs en matière de prévention". Leur arrivée au pouvoir dans certaines provinces s’est traduite par des arrêts de programmes de distribution de préservatifs. Mais c’est aussi le changement du rapport aux risques qui influe sur les pratiques. Le sida fait moins peur et des jeunes renoncent plus facilement aux préservatifs, estime un responsable des campagnes nationales de santé publique brésilien. "Nous devons cesser de penser aux préservatifs comme la seule alternative pour éviter l'infection" explique encore Fabio Mesquita. Pour ce dernier, il faudrait élargir les politiques d’accès aux soins, en promouvant les nouveaux outils de prévention de la transmission, comme le traitement préventif (PrEP). Une éventualité qu’étudie actuellement le gouvernement brésilien.