Canada : échange de seringues en prison

26 Mai 2018
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A compter de juin 2018, le Service correctionnel du Canada (SCC) commencera à mettre en œuvre un programme d'échange de seringues en prison dans un établissement pour hommes et dans un établissement pour femmes, et ce, dans le cadre de la phase initiale d'une approche progressive visant à renforcer les efforts continus du SCC pour prévenir et gérer les maladies infectieuses dans les pénitenciers fédéraux et dans la collectivité. C’est ce qu’explique un communiqué du Service correctionnel du Canada (l’équivalent de la direction de l’administration pénitentiaire en France). Il s’agit d’une expérimentation puisque le communiqué précise que : "Les leçons tirées dans ces établissements en matière de pratiques exemplaires orienteront la mise en œuvre à l'échelle nationale". Et le communiqué officiel d’expliquer : "Le programme d'échange de seringues en prison permettra aux détenus sous responsabilité fédérale d'avoir accès à des aiguilles propres, dans le but de limiter la transmission de maladies infectieuses, comme l'hépatite C et le VIH/sida. Le SCC utilisera un modèle semblable à celui qu'il utilise pour les Epipens et les aiguilles et seringues à insuline pour le diabète dans les établissements correctionnels fédéraux. Ces programmes se sont révélés sûrs et efficaces". Dans son communiqué, le Service correctionnel du Canada rappelle que "la sécurité du personnel, du public et des détenus est de la plus haute importance pour [lui], et nous en faisons toujours grand cas au moment de prendre des décisions sur les programmes et les politiques". Cette précision n’a pas suffit à rassurer complètement. Ainsi, pointe un article de Radio Canada, ce programme pilote est vivement critiqué par le Syndicat des Agences correctionnelles du Canada (UCCO-SACC-CSN) qui y voit une véritable menace, tant pour les prisonniers eux-mêmes que pour tout le personnel des centres correctionnels. L’absence de mesures de sécurité supplémentaires et de formation pour les agents correctionnels sème l’inquiétude chez le syndicat. Ce dernier pousse même jusqu’à expliquer que ce programme "représente un tournant dangereux". Et ce dernier de développer les arguments classiques contre ce type de programme. Ainsi le Syndicat des Agences correctionnelles du Canada prétend que le Service correctionnel du Canada "choisit de fermer les yeux sur le trafic de stupéfiants" dans les prisons. "Il choisit d’encourager des activités criminelles (sic) à l’intérieur des murs au lieu d’investir dans les soins et le traitement des détenus toxicomanes ou porteurs de maladies infectieuses", explique même Jason Godin, président national du syndicat.  "Le fait pour le détenu d’avoir la possibilité d’obtenir des aiguilles, de les utiliser pour consommer des drogues par la voie veineuse, de les conserver par la suite dans leur cellule pour une prochaine réutilisation ferait planer un risque sur tous ceux qui gravitent autour de la prison. En plus du danger que représente la circulation d’aiguilles pour le personnel et pour l’ensemble de la population carcérale, il y a aussi toute la notion d’évaluation de la menace et des risques qui doit être révisée. Lorsqu’un détenu va s’injecter avec une aiguille fournie par le SCC, les agentes et agents correctionnels feront quoi ? Ils le regarderont faire ou entreront dans la cellule pour l’en empêcher ?", demande Jason Godin, qui semble ignorer que de tels dispositifs existent déjà à l’étranger depuis des années, sans problèmes de sécurité, ni pour les personnels, ni pour les personnes détenues. Et le syndicat de conclure qu’il "réitère l’importance de maintenir la politique de tolérance zéro en ce qui concerne la présence de drogues dans les établissements carcéraux". Du côté, des autorités, on avance que tout a été bordé et que la sécurité a bien été prise en compte. On explique aussi pourquoi une telle expérimentation a été lancée. Et ce sont les chiffres qui l’expliquent le mieux. Entre 2007 et 2017, la prévalence du VIH dans les établissements fédéraux a diminué, passant de 2,02 % à 1,2 %, tandis que la prévalence du VHC a chuté de 31,6 % à 7,8 %, mais ces chiffres restent trop élevés. Le VHC et le VIH/sida sont encore beaucoup plus répandues dans la population carcérale que dans la population générale. Le Service correctionnel du Canada entend favoriser le renforcement des connaissances et de la sensibilisation des détenus-ues à l'égard du risque de transmission des maladies infectieuses, par la promotion constante de la santé et au moyen de programmes de mentorat par les pairs et de programmes d'éducation sur la santé. De plus, le Service correctionnel du Canada explique qu’il offre aussi "aux détenus sous responsabilité fédérale, tout au long de leur incarcération, des tests de dépistage ainsi que l'accès à des traitements contre le VIH/sida et le VHC, et à des mesures de prévention comme l'eau de Javel et les préservatifs".