Cannabis thérapeutique et expérimentation

7 Novembre 2019
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L'Assemblée nationale a donné vendredi 25 octobre son feu vert à une expérimentation de l'usage médical du cannabis, dans le cadre de l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2020). Les députés-es ont voté à main levée un amendement du rapporteur Olivier Véran (LREM) qui autorise pour deux ans une telle expérimentation, à laquelle l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait déjà donné son aval. « Je souhaite vivement que cette expérimentation puisse débuter au cours du premier semestre 2020 », a réagi la secrétaire d'État à la santé Christelle Dubos. « Elle pourra porter sur 3 000 patients en France et visera à expérimenter l'impact positif des dérivés du cannabis sur certaines pathologies », a expliqué Olivier Véran, en rappelant que « 17 pays de l'Union européenne [21, dans les faits, ndlr] ont déjà autorisé des traitements à base de cannabis médical ». « Ce n'est absolument pas la martingale, ce n'est pas le Graal de l'antidouleur, il ne s'agit pas de développer un nouveau médicament qui remplacerait le paracétamol ou un autre antalgique mais de trouver le moyen d'un nouveau traitement adjuvant », a souligné le député de l'Isère. Cette expérimentation concernera des personnes souffrant de maladies graves - certaines formes d'épilepsies, de douleurs neuropathiques, d'effets indésirables de chimiothérapie, de soins palliatifs ou contractions musculaires incontrôlées de scléroses en plaques - pour lesquelles les dérivés du cannabis peuvent constituer un apport thérapeutique supplémentaire. Cette expérimentation sera menée dans plusieurs centres hospitaliers, en particulier des centres de référence pour les pathologies concernées. Une prescription initiale hospitalière sera effectuée par un médecin spécialiste, neurologue ou médecin de la douleur notamment. Les patients-es devront d'abord se fournir en pharmacie hospitalière puis pourront renouveler leurs traitements en pharmacie de ville. L'agence nationale de sécurité du médicament s'est prononcée en faveur de modalités d'administration assez larges : le traitement pourra ainsi prendre la forme de fleurs séchées, d'huiles et éventuellement de tisanes. Les différentes posologies pourront intégrer des rapports très variables entre les deux principes actifs : le tetrahydrocannabinol (THC) aux effets psychoactifs, et le cannabidiol (CBD) qui entraîne plutôt une relaxation musculaire.  L’ANSM avait déjà donné son feu vert en juillet à cette expérimentation, selon un cadre proposé par un groupe d'experts-es. Une autorisation législative reste nécessaire. Un comité scientifique a été créé mi-octobre pour mettre en œuvre cette expérimentation. Il sera notamment chargé de rendre des avis sur le cahier des charges pour « les médicaments utilisés durant l'expérimentation », « la formation des professionnels-les de santé et les conditions du registre de suivi des patients-es ». Le principe général de la loi sur les stupéfiants est l'interdiction de leur usage : « L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende », précise le Code de la santé publique. La loi permet cependant aux procureurs de la République de ne pas « poursuivre » l'usager-ère et de choisir de mettre en œuvre des « mesures alternatives aux poursuites » comme des rappels à la loi. Les contrevenants-es s'exposeront prochainement à une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants. Concernant un usage médical, depuis un décret de 2013 certains médicaments à base de cannabis et dérivés peuvent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), rappelle l’AFP. Deux médicaments ont obtenu une AMM. L'un, pour la sclérose en plaques, n'a jamais été commercialisé, faute d'accord sur le prix. L'autre, indiqué dans des épilepsies et disponible en autorisation temporaire depuis décembre 2018, doit encore obtenir l'avis d'instances compétentes. À l'issue de l'expérimentation devant être inscrite dans la loi, il reviendra au gouvernement de décider d'une éventuelle généralisation du cannabis thérapeutique. Pas besoin de nouvelle loi pour cela, mais d'une simple modification règlementaire, selon Olivier Véran.  Le cannabis à usage médical est déjà autorisé dans une trentaine de pays. Les précurseurs ont été le Canada, les Pays-Bas et Israël.  Depuis 2001, les Canadiens-nes atteints de certaines maladies lourdes ou incurables, comme le sida et le cancer, peuvent recevoir des permis pour fumer de la marijuana. Aux Pays-Bas, les personnes atteintes de maladies graves sont autorisées à acheter du cannabis dans les pharmacies sur présentation d'une ordonnance médicale. En Israël, depuis 2006, le cannabis thérapeutique peut être prescrit pour des doses contrôlées aux patients-es atteints de cancer, d'épilepsie, de stress post-traumatique ou de maladies dégénératives.  Aux États-Unis, 33 États ont recours au cannabis médical. Il est également légalisé dans six pays d'Amérique latine et 21 des 28 pays de l'Union européenne l'autorisent à différents niveaux.