Coming out VIH d’une femme trans tunisienne

6 Janvier 2023
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Khookha McQueer est une femme trans tunisienne, féministe, militante et séropositive. L'artiste et performeuse drag a été élevée par une famille conservatrice à l'Ariana, une des plus importantes villes de la banlieue de Tunis (Tunisie). Dans sa vingtaine, elle a fait son coming out en tant qu'homme gay, et plus tard, en 2015, elle s’est affirmée en tant que femme trans. Le 3 novembre 2021, Khookha McQueer a annoncé sur sa page Facebook qu'elle avait été diagnostiquée séropositive au VIH et qu'elle suivait un traitement antirétroviral. Dans un long entretien accordé à la journaliste tunisienne Tharwa Boulifi et publié sur le site The Body, l’activiste revient sur ce coming out VIH : « Je n'ai pas beaucoup réfléchi avant d'annoncer que j'avais contracté le VIH ; ce n'était pas quelque chose que j'avais prévu ou qui avait un but précis. Quelques jours avant mon annonce, j'ai publié un statut mystérieux sur Facebook pour me soulager. Mes followers étaient intrigués. Je me suis donc expliquée quelques jours plus tard, en partageant la nouvelle. Après cela, j'ai eu besoin de continuer à écrire sur les IST en général, car je sentais que les gens voulaient être mieux informés sur ce sujet, encore tabou dans notre société ». Ce coming out VIH est rare en Tunisie et Khookha McQueer est consciente du poids du silence : « J'étais stupéfaite par le fait que les médecins et les infirmières me conseillaient souvent de ne parler à personne de mon état. Même s'ils ne savaient pas que j'avais une page Facebook où je publiais des informations sur ma vie, ils m'ont quand même dit de ne pas partager mon statut VIH, car, pour eux, c'est une information privée. J'ai rencontré des personnes que je connais à l'hôpital où je suis soignée et j'ai senti le malaise qu'elles ressentent lorsqu'elles sont reconnues par les autres. Le silence gardé par les personnes atteintes d'IST en général n'est pas volontaire ; il est indirectement imposé par la société religieuse conservatrice dans laquelle nous vivons et par les professionnels de la santé », déplore l’activiste. Et quid des personnes qui préfèrent garder le silence ? « C'est une question de sécurité, avant tout. Outre la honte qui accompagne le VIH/sida et les IST, les personnes vivant avec le VIH ont peur de parler dans une société religieuse conservatrice comme la nôtre. Je comprends et je soutiens pleinement ceux qui choisissent de garder le silence sur leur statut », abonde Khookha McQueer. Un coming out VIH d’autant plus courageux qu’il a suscité des réactions parfois hostiles : « Même au sein de la communauté LGBTQ, j'ai entendu dire que des personnes avaient parlé dans mon dos du fait que j'avais contracté le VIH. Sur les réseaux sociaux, notamment sur Grind’r, j'ai reçu de nombreux messages anonymes haineux et intimidants ».