Coût des traitements : L'appel de 110 cancérologues

31 Mars 2016
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Dominique Maraninchi, ancien directeur de l’agence du médicament et ancien président de l'Institut national du cancer (Inca), et Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie, ont lancé le 14 mars dernier dans le "Figaro" un appel d’urgence à maîtriser les prix des nouveaux médicaments contre le cancer. Ce texte a été signé par 110 cancérologue et hématologues français qui dénoncent, de façon très argumenté, la dérive tarifaire des laboratoires pharmaceutiques concernant les prix de l’innovation thérapeutique. Cette initiative fait suite à un mouvement de contestation des prix des médicaments en France (polémique sur le prix des nouveaux traitements contre le VHC) et fait écho aux protestations internationales sur le même sujet. En 2015, les cancérologues américains avaient tiré le signal d'alarme sur cette dérive. Comme le fait remarquer "Le Figaro" qui a publié l’appel, celui-ci est lancé par des poids lourds de la cancérologie française". "A travers des pétitions et des articles, des médecins américains spécialistes du cancer ont exprimé leurs inquiétudes devant les prix de ces innovations, s'émouvant de les voir passer de 10 000 à plus de 120 000 dollars par patient et par an en une quinzaine d'années", notent les signataires. "Le régime de santé solidaire dont nous bénéficions en France met pour l'instant les patients à l'abri. Mais pour combien de temps ? Et jusqu'à quel niveau d'inflation des prix ?" demandent-ils. Et les signataires de tirer à boulets rouges sur les labos. "Longtemps, l'industrie pharmaceutique a calculé le prix d'un médicament en fonction de l'investissement qu'elle avait consacré à la recherche et au développement (R&D) de celui-ci. Or, aujourd'hui, de façon paradoxale, les prix des nouveaux produits explosent alors que le coût de leur recherche et développement a diminué (…) D'ailleurs, les comptes de l'industrie pharmaceutique eux-mêmes confirment cette faible charge, où en moyenne 15 % du chiffre d'affaires de la branche est allouée à la R&D contre plus de 25 % pour les dépenses de marketing, et des marges bénéficiaires annoncées excédant 15 %". Pour les auteurs de cet appel : "Les prix des nouveaux traitements du cancer sont déterminés par l'idée que les industriels se font de ce que les marchés sont capables de supporter (…) Cela explique les écarts de prix très importants observés d'un pays à l'autre et permet également de comprendre pourquoi l'Imatinib (Glivec®), traitant de façon très efficace la leucémie myéloïde chronique a vu son prix passer aux Etats-Unis en quinze ans de 30 000 à 90 000 dollars par an, sans que le service médical rendu ait été amélioré". "Face à l'inflation des prix pratiqués par des laboratoires pharmaceutiques enclins à optimiser leurs gains, des menaces réelles pèsent sur l'équité d'accès des patients aux traitements innovants des cancers, comme sur la pérennité de notre système de santé solidaire, d'autant que cette inflation déborde maintenant largement le champ du cancer et touche d'autres médicaments innovants comme ceux de l'hépatite C". Il s’ensuit une série de propositions comme le fait de "définir un juste prix pour les médicaments du cancer, basé sur les sommes investies par les industriels pour la R&D du produit (en tenant compte des apports fournis par la recherche académique), auquel s'ajouterait un retour sur investissement raisonnable, éventuellement défini a priori" ou encore de "rendre le système d'arbitrage des prix plus démocratique et transparent, en y associant de façon structurelle des représentants des patients et des professionnels" ; de "ne plus accepter les extensions de durée des brevets que la rapidité du développement des nouvelles thérapeutiques ne justifie pas" et enfin "d'autoriser, comme cela existe déjà pour les traitements du sida et des infections opportunistes, l'utilisation de licences obligatoires pour les pays en développement, qui leur permettent la production et l'utilisation de génériques avant même que les brevets ne tombent dans le domaine public". Bref, la révolution.