Covid-19 et génétique

16 Mai 2020
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Pourquoi des patients-es jeunes et en bonne santé se retrouvent-ils en réanimation ? Face à l'un des mystères du Covid-19, des scientifiques du monde entier se sont lancés sur la piste de prédispositions génétiques, indique l'AFP (6 juin). La grande majorité des malades graves du Covid-19 sont des personnes âgées qui souffraient de maladies sous-jacentes diverses. Mais le généticien Jean-Laurent Casanova s'intéresse aux « 4 à 5 % » restants : les « moins de 50 ans auparavant en bonne santé », victimes de formes graves inexpliquées. « L'hypothèse est que ces malades ont des variations génétiques qui sont silencieuses jusqu'au moment de la rencontre du virus », poursuit le co-directeur du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, basé à l'institut Imagine à Paris et à l'université Rockefeller à New York. Le consortium « Covid Human genetic effort » a commencé à recruter des patients-es en Chine, en Iran, en Europe, en Amérique du Nord ou au Japon. Leur sang est prélevé, leur ADN séquencé et ces séquences analysées, en sélectionnant « des variations génétiques candidates, pour les incriminer ou les innocenter », indique le Pr Casanova. « Il y a quelques années, on aurait accusé le hasard, mais ce n'est pas seulement la faute à pas de chance », insiste, de son côté, Jacques Fellay, chercheur au CHU Vaudois et à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. « Aujourd'hui, on a les capacités d'aller disséquer le génome de ces personnes et voir s'ils n'ont pas une mutation rare qui pourrait les rendre particulièrement susceptibles au Sars-Cov-2 », explique à l'AFP l'expert en génomique et infectiologie. La science a déjà permis d'identifier ces dernières années des variations génétiques responsables de prédispositions à plusieurs maladies infectieuses, de la tuberculose à la grippe maligne en passant par les encéphalites virales, rappelle l'AFP. « Notre défense immunitaire fonctionne un peu comme le mécanisme d'une montre mécanique » dont tous les éléments doivent fonctionner ensemble, souligne le Pr Fellay. « Il peut y avoir un grain de sable à différents endroits dans ces rouages, et chacun de ces grains de sable peut être différent dans un groupe de patients, mais produire le même résultat », une forme grave, poursuit le médecin suisse, cité par l'AFP. C'est pour cela que « nous devons avoir un échantillon très large et une collaboration » entre les chercheurs-euses autour du monde, plaide Mark Daly, directeur de l'Institut de médecine moléculaire d'Helsinki. Grâce à la Covid-19 Host genetic Initiative, l'objectif est de recruter au moins 10 000 patients-es et de partager les résultats entre quelque 150 centres de recherche, poursuit-il. Dans l'espoir de parvenir « à des informations utiles pendant l'été ». Cela arrive qu'on trouve des cibles faciles à identifier, mais ça arrive qu'on doive passer des mois, patiemment, comme des moines copistes à passer en revue nos immenses fichiers informatiques et faire de longues analyses », souligne Jacques Fellay. Si ce travail d'identification est payant, alors il pourrait aussi conduire à des pistes thérapeutiques. « Si nous trouvons des indices génétiques qui orientent vers un gène pour lequel un médicament a déjà été développé, alors on pourrait simplement reconvertir ce médicament », note Mark Daly. « Si on n'a rien (contre la déficience génétique identifiée), il peut falloir 5 ans pour développer de nouvelles molécules », insiste le Pr Fellay, auprès de l'AFP. « Des infirmières, des médecins, des conjoints de patients ne développent pas la maladie et ne sont pas infectés par le virus », note le Pr Casanova. « Une hypothèse est que ces individus ont des variations génétiques qui les rendent résistants au virus ». C'est le cas pour d'autres virus, pointe l'AFP. Par exemple, une mutation du gène CCR5 confère une immunité naturelle contre le VIH. Cette découverte a permis le développement de stratégies thérapeutiques. Deux personnes vivant avec le VIH ont pu être déclarées guéries en 2011 et 2020 après une greffe de cellules souches de donneurs porteurs de cette mutation du CCR5. Un médicament, le maraviroc, a aussi pu être développé sur cette base. Un médicament anti-CCR5, le leronlimab, est d'ailleurs étudié dans le cadre du Covid-19. « La génétique est un outil pour aller explorer la biologie mais le traitement lui-même, après, il n'a plus rien de génétique », conclut le Pr Fellay.