Covid-19 et guerre contre le sida

12 Juin 2020
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Le Dr Eric Goemaere est une des grandes personnalités de la lutte contre le sida dans le monde et notamment en Afrique du sud. Tout récemment, le médecin-chercheur et militant était interviewé par l'AFP, établissant un lien entre la lutte contre le sida et celle contre le Covid-19. En 1999, le médecin pose le pied dans le township tentaculaire de Khayelitsha, aux portes du Cap. C'était en 1999 et l'Afrique du Sud découvrait avec effroi, depuis des années, les ravages du sida. « Tous les jours, il y avait des embouteillages devant le cimetière », raconte le médecin belge. « Les gens tombaient comme des mouches (...) il n'y avait pas de traitement, alors les malades se contentaient d'aller à l'église ». En 2020, le Dr Goemaere, 65 ans, et ses collègues de Médecins sans frontières (MSF) se retrouvent aux avants-postes du combat contre une autre épidémie meurtrière : celle de Covid-19. La mégapole du Cap et sa province du Cap-occidental recensent, à elles, seules les deux tiers des 27 500 malades du Covid-19, dont 580 sont morts, recensés dans le pays. Le bidonville de Khayelitsha en est un des principaux foyers. « Le nombre de personnes infectées augmente rapidement », note le médecin, auprès de l'AFP, qui coordonne la construction d'un hôpital de campagne de 65 lits pour les accueillir.  Face au Covid-19, l'expérience acquise par les vétérans du combat contre le VIH comme lui est précieuse. « On essaie toujours d'être au plus près des populations touchées », dit-il, « cette fois, nous avons impliqué les populations beaucoup plus en amont de l'épidémie ». Comme ce fut le cas avec le VIH. Le nouveau coronavirus « est considéré comme un virus importé par les Blancs », explique Nompumelelo Mantangana, infirmière à MSF. « Sur le terrain, nos agents font du porte-à-porte pour distribuer des tracts expliquant ce qu'est le Covid-19 ». Ils investissent aussi les réseaux sociaux et les médias locaux pour faire taire les « fake news ». Comme à l'époque de l'épidémie de sida, les soignants qui combattent aujourd'hui le coronavirus souffrent des retards de traitement des tests de dépistage. « Au début du sida, il fallait envoyer tous les tests à un laboratoire central », souligne Eric Goemaere. Les retards n'ont été résolus qu'en 2001 avec la mise en service d'un test dont les résultats étaient disponibles en vingt minutes. « Ce fut une révolution », ajoute le médecin. « Le jour où nous pourrons disposer d'un test rapide (pour le coronavirus) à Khayelitsha, ça changera la donne ». A condition toutefois, dit-il, de disposer d'un traitement. Le Dr Goemaere se félicite de la réactivité du gouvernement sud-africain face au Covid-19. Il espère qu'il ne tardera pas cette fois à proposer rapidement un traitement à ses citoyens, contrairement à ce qui s'est passé avec le sida. « Dès qu'un traitement ou un vaccin seront sur le marché, nous ferons tout notre possible pour qu'il soit accessible dans les pays les plus pauvres », promet le médecin.