Covid-19 et précarité

7 Octobre 2020
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Une enquête de séroprévalence menée par Médecins sans frontières (MSF), Épicentre (1) et l’Institut Pasteur entre le 23 juin et le 2 juillet 2020 sur quatorze lieux d’intervention de MSF en région parisienne montre qu’une « forte proportion de personnes y ont été infectées par le virus Sars-CoV-2 : la séroprévalence varie de 18 à 94 % selon les sites enquêtés ». L’étude portait sur le rapport entre précarité et prévalence (2) de la Covid-19 en Île-de-France. Comme l’explique un communiqué, cette étude est « la seule à ce jour, en France et en Europe, à estimer, parmi les populations en situation de grande précarité, la proportion de personnes infectées et en évaluer les principaux facteurs associés ». Que disent les chiffres ? « Les résultats confirment que la circulation du virus a été plus particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douches et cuisine avec plusieurs autres personnes » souligne Thomas Roederer, épidémiologiste à Épicentre et responsable de l’étude. Dans tous les sites de MSF, la séroprévalence de la Covid-19 – la proportion de personnes exposées au virus qui ont développé des anticorps - s’est révélée « très élevée ». « La variation importante de cette séroprévalence s’explique par la forte promiscuité dans les lieux de vie : de 23 à 62 % au sein des centres d’hébergements d’urgence, 18 % et 35 % dans les deux sites de distribution alimentaire, et 82 % et 94 % dans les deux foyers de travailleurs. Parmi les 543 personnes ayant participé à l’enquête dans les centres d’hébergement, une personne sur deux était séropositive au Sars-CoV-2. À titre de comparaison, une récente enquête de séroprévalence en population menée par Santé Publique France vient de montrer qu’une personne sur dix incluses dans leur enquête était séropositive en Île-de-France (3), détaille le communiqué.
Cette enquête a été conduite auprès d’une population principalement masculine (80 %), plutôt jeune (49 % de moins de 35 ans) et ne rapportant aucun problème de santé majeur dans la majorité des cas (79 %). Bien que la grande majorité des participants-es ont indiqué avoir généralement respecté les mesures barrières, par ailleurs difficilement applicables sur leurs lieux de vie, vivre la période de confinement dans des situations de grande promiscuité où chambre, cuisine et sanitaires étaient partagés a effectivement accru le risque d’exposition. Ainsi, la séroprévalence parmi les personnes ayant transité par des gymnases est trois fois plus élevée que celle estimée chez les personnes ayant été relogées directement en centres d’hébergement. « Il ne faut pas que les dispositifs d’urgence qui permettent de mettre à l’abri temporairement des personnes sans hébergement, notamment à l’approche de la période hivernale, contribuent à créer de nouveaux foyers de contamination », alerte Corinne Torre, cheffe de mission en France pour MSF, citée dans le communiqué. « Les lieux collectifs comme des gymnases sont donc à éviter au maximum au profit des placements en hôtels et des hébergements avec des espaces de vie individuels qui permettent l’application effective des mesures de prévention » recommande-t-elle.
Forte de ces résultats, MSF recommande aux autorités (dans les « situations chroniques de mal-logement et de promiscuité, comme celles observées dans les deux foyers de travailleurs inclus dans l’enquête) de renforcer l’accès des résidents à l’information, à la prévention, au dépistage, et aux soins médicaux de façon universelle, avec une attention particulière à porter aux personnes les plus à risque de développer des formes sévères de la Covid-19. Ces dernières, compte tenu de leur forte exposition au virus, devraient se voir proposer un relogement à titre préventif dans des lieux moins densément peuplés.
« Cette enquête avait pour principal objectif d’évaluer l’intensité de la circulation du virus auprès de populations en situation de grande précarité et de définir des actions de prévention spécifiques pour mieux les protéger. Avec la recrudescence du nombre de cas positifs en France, notre enquête confirme la nécessité de conduire davantage d’études épidémiologiques pour mieux définir les stratégies prioritaires vis-à-vis des populations les plus à risque », conclut Thomas Roederer.

L’étude a été menée auprès de 818 personnes réparties sur deux sites de distribution alimentaire, deux foyers de travailleurs-ses et dix centres d’hébergement d’urgence, situés à Paris, dans le Val d’Oise et en Seine-Saint-Denis.

(1) : Épicentre mène des activités d'épidémiologie de terrain, des projets de recherche et sessions de formation en appui aux objectifs de Médecins sans Frontières.
(2) : nombre de cas d'une maladie dans une population à un moment donné, englobant aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens.
(3) : Seroprevalence of Sars-CoV-2 among adults in three regions of France following the lockdown and associated risk factors: a multicohort study, Septembre 2020