Covid-19 : vaccins et précarité

26 Avril 2022
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En partenariat avec Santé publique France, Épicentre (institut d'épidémiologie et recherche médicale de MSF) a mené la première étude en Europe sur l’accès à la vaccination chez les personnes sans-abris, migrants-es et réfugiés-es. Les personnes vivant dans la rue, dans des squats ou des bidonvilles, en centres d’hébergement ou en foyers de travailleurs sont moins vaccinées que la population générale en France, explique un texte d’Épicentre. À cela, il faut ajouter que plus les personnes concernées sont mal logées, moins elles sont vaccinées. Ainsi, 70 à 86 % des personnes hébergées dans le dispositif d’hébergement pérenne, en hôtels sociaux ou en foyers avaient reçu au moins une dose de vaccin en décembre 2021, alors que ce n’était le cas que d'une personne sur deux vivant dans la rue. Dans l’ensemble, la stratégie vaccinale nationale a plutôt bien fonctionné auprès des précaires hébergés, mais la stratégie « d’aller-vers » doit être renforcée pour favoriser la vaccination des plus vulnérables mais aussi pour améliorer leur accès à la santé de manière plus générale, estime Épicentre. Entre novembre et décembre 2021, l’institut a mené une enquête pour évaluer le niveau de couverture vaccinale contre la Covid-19 dans les populations précaires en Île-de-France et à Marseille. « C’est la première étude au monde fournissant des données en population réelle, prévient MSF, qui y voit une « preuve que les plus précaires n’ont été au cœur d’aucune stratégie vaccinale ». Pour cette étude réalisée en partenariat avec Santé Publique France et Médecins du Monde, 3 811 personnes ont été interrogées en face-à-face sur leur lieu de vie, que ce soit dans la rue, en campement, squat ou bidonville, en centre d’hébergements ou en hôtel social, en foyer de travailleurs ou encore en aire d’accueil de gens du voyage. « Selon notre enquête, 74,5 % des personnes interrogées avaient reçu au moins une dose de vaccin contre 90 % dans la population générale à la même période », note Thomas Roederer, responsable de l’étude et épidémiologiste à Épicentre. « Cette proportion sensiblement inférieure à celle de la population générale cache des réalités assez différentes. Pour les personnes hébergées dans le dispositif d’hébergement pérenne, en hôtel dit du 115 ou en foyer, la primo-vaccination varie de 70 % à 86 %. En revanche, elle n’est plus que de 44 % chez les personnes à la rue en ÎDF, et chute même à 20 % parmi les sans-abris à Marseille. » Le gradient d’intégration sociale et de précarité va ainsi de pair avec le gradient de vaccination : plus la personne est exclue et à l’écart du « système », moins elle a accès à la première dose de vaccin. L’enquête montre également que la mise en place d’un dispositif de sensibilisation ou facilitant la vaccination dans les sites d’hébergement a permis de multiplier respectivement par 3,4 et 2,7 la probabilité de recevoir le vaccin. D’autres facteurs associés à l’accès au vaccin ont aussi été mis en évidence : les précaires hébergés-es, mais aussi les personnes plus âgées, faisant confiance aux autorités, informées par des professionnels ou un peu moins influencées par l’opinion des proches ou de la communauté sont plus vaccinés-es que les jeunes, les personnes en bonne santé ou les personnes mal informées ou désinformées. Pour les personnes les plus précaires, les lacunes en termes d’information ont été partiellement comblées par les ONG et les associations de terrain. Partout, les « tiers de confiance » ont joué un rôle majeur dans l’incitation à la vaccination. Pour les plus vulnérables, la sensibilisation et la communication autour des vaccins doivent être adaptées. « Il faut, par exemple, impliquer le plus possible les tiers de confiance, qu’il s’agisse des travailleurs sociaux, des bénévoles associatifs, des professionnels de santé, du médecin traitant, des juristes ou des interprètes et privilégier les stratégies « d’aller-vers » pour les publics les plus à l’écart du système, comme les personnes à la rue ou les personnes migrantes récemment arrivées » recommande Thomas Roederer, responsable de l’étude et épidémiologiste à Épicentre.  Globalement, la stratégie vaccinale nationale reposant sur le système de droit commun sans condition d’accès a plutôt bien fonctionné auprès des personnes précaires hébergées. « Il convient toutefois de rappeler que seule une personne sur deux
à la rue était vaccinée au moment de l’enquête ». Ce constat montre que pour obtenir de bons résultats de couverture vaccinale, au-delà même de la Covid-19, il est crucial de favoriser l’intégration des sans-abris et migrants dans le système, en leur facilitant l’accès aux soins, aux droits, aux services sociaux, en les accompagnant bien davantage ».