Covid : les experts-es ont l’avis en noir !

21 Avril 2021
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Le 31 mars, Emmanuel Macron nous annonçait le retour du confinement doublé d’un couvre-feu pour une durée de quatre semaines. Dimanche 18 avril, le chef de l’État a confirmé que la « réouverture du pays ne serait pas reportée malgré une situation sanitaire toujours tendue, avec plus de 35 000 nouveaux cas recensés samedi [17 avril, ndlr] et près de 5 900 malades dans les services de réanimation des hôpitaux », rappelle Le Monde. Interrogé sur la chaîne de télévision américaine CBS, le président de la République expliquait même dans un entretien accordé à l’émission « Face the Nation » : « Nous allons progressivement lever les restrictions début mai ». « Cet engagement intervient alors que des doutes émergent au sommet de l’État sur la possibilité de commencer à rouvrir dès la mi-mai certains lieux accueillant du public, conformément aux promesses présidentielles ». Invité de BFMTV, mardi 13 avril, le professeur Gilles Pialoux, chef du service d’infectiologie de l’hôpital Tenon (AP-HP, Paris) a d’abord critiqué le fait que le discours politique, notamment présidentiel, n’évoquait plus tous les morts que provoque la Covid-19. « Le président de la République n’a pas prononcé le mot « mort », il dit « endeuillés ». On ne parle plus des morts, on parle des familles qui vivent effectivement des choses tragiques. » Pour l’épidémiologiste, « on ment un peu aux Français. Il y a un choix de société, qui est un choix politique, qui est d’accepter que l’on ait chaque jour un Boeing qui s’écrase, c’est-à-dire 300-340 décès », a souligné le médecin. Mais ce ne sont pas les seuls griefs, Gilles Pialoux estime qu’il y a une « illusion collective portée par la communication du gouvernement » sur le déconfinement. Le médecin considère que la vaccination n'est pas la solution miracle et que « le climat de réouverture paraît complètement déconnecté ». La semaine dernière, une réunion a eu lieu avec différents secteurs professionnels et différents ministres sur les conditions, assorties d’un calendrier, de réouverture de certains lieux et établissements au public dans les semaines qui viennent. Si les uns-es pensent réouverture, Gilles Pialoux pense que nous sommes « dans une situation de crise majeure ». Et d’enfoncer le clou : « Le climat de réouverture me paraît complètement déconnecté de la réalité ou alors on accepte qu'on ait 300 morts par jour et on accepte qu'il y ait du stop and go qui épuise tout le monde (…)  Sur le plan du ressenti cette situation est difficile et on ne pourra pas maintenir ce rythme pendant une année ou plus ». Pour le spécialiste des maladies infectieuses, « on ne s'en sortira pas en France uniquement avec la vaccination. Les pays qui rouvrent les bars sont des pays qui ont associé une vaccination offensive avec un confinement sévère. Nous, on n'est ni dans l'un, ni dans l'autre. Donc, on aura besoin des pass sanitaires, de garder des mesures de distanciation, de tracing, probablement de refermer les frontières ». Interrogé sur France Inter, le 15 avril, Gilles Pialoux explique : « À l'échelle de mon hôpital, les mesures de freinage n'ont quasiment aucun effet. Regardez les Alpes-Maritimes ! L'effet était très mineur et ça repart ! » Et la critique porte même sur la méthode présidentielle. « Il n’y a pas eu de débat citoyen, avec la représentation nationale, sur le fait que les choix politiques assumaient qu’on allait déplacer des malades, déprogrammer à hauteur de 80 % [les opérations pour d’autres pathologies, ndlr]. J’ai trouvé ce chiffre inhumain ! Pour l’instant il ne se fait pas, mais on sait très bien qu’on peut déprogrammer 80 % des interventions en 48 heures, pour récupérer le personnel et récupérer les espaces ». « C’est un piège qui se referme sur l’exécutif », a regretté Gilles Pialoux, à propos de « l’acceptabilité » des mesures. « On a pris tellement de retard que toute mesure sera plus dure et plus durable ».

Le 18 avril, c’est Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire maladies infectieuses et vecteurs, qui explique sur Radio France que « la volonté politique de contrôler l'épidémie n'est pas claire ». Il juge les mesures prises assez inadaptées et avance même l’idée que la stratégie choisie par la France serait « de laisser circuler le virus largement ». Interrogé sur la mise en place, toute récente, d’une quarantaine pour limiter l'arrivée en Europe et en France du variant brésilien, voici ce que répond l’expert : « On peut s'interroger sur la motivation. Parce que si c'est pour empêcher l'arrivée des variants venus d'autres pays, c'est trop tard. On sait qu'ils sont déjà en France. À ce niveau-là, cela peut jouer sur des nouvelles importations. Mais les variants sont déjà là, on les a détectés même s'ils sont rares. Il y a des inconnues aujourd'hui sur ces variants, mais ils sont déjà là. Si cela a un effet, ça ne sera pas sur l'arrivée des variants ». Le 19 avril, c’est Dominique Costagliola, épidémiologiste qui propose son analyse de la situation. Pour l’épidémiologiste, interviewée sur France Inter, l’épidémie de Covid-19 est « sur un plateau haut » en France et cette situation ne permet pas d’envisager une « embellie proche ». Elle s’inquiète en particulier du retour prochain des élèves à l’école, annoncée par le gouvernement en deux vagues : l’une le 26 avril et la seconde le 3 mai, sans nouvelles mesures particulières. « Que ce soit à l’hôpital, en réanimation ou pour les nouveaux cas, il semble qu’on soit sur un plateau haut​ », a déclaré la professeure Dominique Costagliola, directrice de recherche à l’Inserm. « Alors même que la population se teste moins, en particulier les moins de 19 ans, on n’a pas vu une baisse nette ​des infections, avec plus de 30 000 contaminations par jour, donc certainement pas une situation qui permet d’espérer une embellie proche​ », a-t-elle affirmé. Une amélioration est selon elle d’autant moins probable que les écoles primaires vont recommencer à partir du 26 avril et les collèges et lycées la semaine suivante, « donc je ne vois pas comment on peut espérer une baisse massive d’ici fin mai compte tenu de ce qu’on a vu jusque-là de l’effet des mesures », estime-t-elle. Avant de rouvrir les établissements scolaires, il faudrait prendre des mesures qui permettent de limiter le risque, de la vaccination des personnels aux mesures d’aération, choses qui n’ont toujours pas été faites, a-t-elle déploré lors de son interview.

« Le virus ne pardonne pas les demi-mesures, elles ne font que l'aggraver », a prévenu, mi-avril, Angela Merkel. Un oracle qui sonne comme une mise en garde ?