À Davos, l’Onusida en force

7 Juin 2022
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Au forum économique de Davos, en Suisse, la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima, a tiré la sonnette d’alarme en indiquant que « les plans de relance économique et de sécurité sanitaire qui feront l’impasse sur les inégalités sont voués à un échec retentissant ». Reprenant les arguments de différentes ONG, elle soutient que « les règles qui exacerbent les inégalités compromettent la reprise, prolongent les pandémies de sida et de Covid, sapent les efforts de santé publique et mettent tout le monde en danger ». Elle a logiquement appelé les dirigeants et dirigeantes à remplacer « les règles en matière de propriété intellectuelle qui restreignent l’accès aux médicaments vitaux contre le VIH, la Covid-19 et d’autres pandémies pour les personnes dans le Sud par des règles de partage des technologies ». Par ailleurs, le remboursement de la dette oblige les pays à revenu faible et intermédiaire à réduire leurs dépenses en matière d’éducation et de santé et entrave les programmes vitaux de prévention et de traitement du VIH. Elle a donc demandé de « substituer au remboursement de la dette l'instauration de règles qui intensifient les investissements en temps de crise ». « Les règles mondiales injustes d’aujourd’hui touchent le plus durement les Africains et Africaines, et accroissent le fossé entre les sexes » explique Winnie Byanyima, qui met au pilori leurs « effets racistes et sexistes ». En 2020, les femmes étaient 1,4 fois plus susceptibles de quitter le marché du travail que les hommes. Chaque semaine, 4 200 adolescentes et jeunes femmes contractent le VIH en Afrique subsaharienne. Un an et demi après l’administration des premières doses d’un vaccin contre la Covid, 75 % des personnes vivant dans les pays à revenu élevé sont entièrement vaccinées, mais moins de 13 % des personnes vivant dans les pays à revenu plus faible le sont.La directrice exécutive de l’Onusida y a développé un discours inhabituellement pugnace, évoquant la situation de l’Afrique. « J’ai vu des installations de pointe, de jeunes scientifiques et des leaders enthousiastes travailler non seulement sur des vaccins contre la Covid, mais aussi contre d’autres maladies, sur d’autres traitements pour préparer l’Afrique afin que nous n’ayons plus jamais à passer en dernier », a-t-elle déclaré. De fait, malgré les énormes bénéfices réalisés, les laboratoires pharmaceutiques occidentaux continuent de refuser de partager leurs formules et leurs technologies pour le bien public. En 2021, on estime que Pfizer, BioNTech et Moderna ont réalisé 34 milliards de dollars de bénéfices avant impôts. L’Onusida met en garde contre la répétition de ce comportement d’exclusion quant à l’accès aux nouveaux médicaments anti-VIH « à action prolongée » en cours de développement. Cette nouvelle thérapie révolutionnaire contre le VIH (disponible aujourd’hui pour la prévention et en voie de l’être pour un traitement dans un futur proche) devra être prise tous les mois ou deux mois au lieu de tous les jours et pourrait, si elle est mise à disposition à grande échelle au fur et à mesure de son déploiement, aider à sauver de nombreuses vies et à mettre fin à la pandémie de sida. « Mais les prix élevés et les monopoles sont susceptibles de mener à l’exclusion de nombreuses personnes vivant dans les pays à revenu faible et intermédiaire », craint l’Onusida. Pour la directrice exécutive de l’Onusida : « Il est urgent de réformer les règles relatives à la protection de la propriété intellectuelle qui ont fait échouer l’humanité au cours de ces pandémies, de sorte que l’accès aux découvertes scientifiques vitales ne dépende plus du passeport ou de l’argent dans la poche des gens. Il est possible de mettre fin à la pandémie de sida, de vaincre la Covid-19 et de stopper les pandémies à venir, si les avancées biomédicales atteignent ceux et celles qui en ont le plus besoin. Si les leaders agissent en faveur de l’accès aux traitements antirétroviraux à action prolongée, de nombreuses personnes qui auraient autrement contracté le VIH ne se feront pas infecter, les personnes vivant avec le VIH qui seraient autrement décédées du sida n’en mourront pas, et le bien-être et la dignité des personnes exposées au risque ou vivant avec le VIH pourront être renforcés ». Chaque minute, une vie est perdue à cause du sida. En 2020, 1,5 million de nouvelles infections au VIH ont été recensées. Et Mme Byanyima de mettre en garde : « Lorsque les personnes vivant dans les pays à revenu faible et intermédiaire sont exclues des technologies vitales de santé contre le VIH, la Covid-19 ou d’autres pandémies, ne nous voilons pas la face, cela provoque également des décès dans les pays riches, perpétue les pandémies et nuit à l’économie mondiale. »