Des données de santé en otage

21 Décembre 2020
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InterHop est une association d’ingénieurs-es en informatique, médecins et juristes. Elle entend développer des outils alternatifs, libres et sécurisés en e-santé. Dans une tribune publiée dans Libération (lundi 14 décembre), le collectif alerte sur le stockage des données de santé des Français-es sur le serveur américain Microsoft. Rappel des faits : fin mars 2019 dans le cadre de la loi Santé, il a été décidé de mettre en œuvre un « Big Brother médical » pour reprendre l’expression de InterHop : le Health Data Hub. Cette plateforme visant à centraliser l’ensemble des données de santé de plus de 67 millions de personnes veut faire avancer la recherche en santé. Déjà contestable au regard des risques en matière de sécurité, cette centralisation de l’ensemble des données de santé de la population française est inconciliable avec le respect des droits à la protection des données personnelles selon InterHop. En effet, l’hébergement des données du Health Data Hub repose sur le géant du numérique Microsoft, une société soumise au droit américain. Le 13 octobre 2020, après plusieurs recours en urgence et un avis historique de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) considérant cette solution comme néfaste, le Conseil d’État a considéré que le Health Data Hub ne protégeait pas les données de santé contre les intrusions du gouvernement américain. De façon critiquable, il a cependant admis que le projet pouvait prospérer dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. En réaction, le 19 novembre, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a lui aussi reconnu ces risques, tout en promettant le retrait de Microsoft, mais dans un délai de deux ans. Selon les membres de l’association InterHop, des solutions alternatives et locales sont possibles : « Cela serait un affront à la recherche médicale que de penser qu’elle a attendu le Health Data Hub pour lutter contre la Covid-19. Des plateformes techniques efficaces existent. Les acteurs-rices institutionnels de la santé développent déjà des plateformes d’analyse sécurisées répondant aux besoins des chercheurs. En leur sein, des centaines de projets de recherche sont en cours, y compris sur le Covid-19. Ils développent des approches décentralisatrices qui garantissent localement le lien de confiance avec les patients », assure InterHop. Le collectif conclue sa tribune en demandant une refonte structurelle du projet Health Data Hub ainsi que le retrait immédiat de Microsoft Azure : « Deux ans. Le temps pourtant opportun et nécessaire pour repenser la gouvernance du projet du Health Data Hub avec la société civile. La gouvernance doit être séparée des problématiques d’hébergement des données. Le Health Data Hub doit se limiter à sa mission historique : être un organe de régulation de l’accès aux données ».