Diaccurate n’a pas encore fait ses preuves

11 Mars 2020
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La nouvelle s’est répandue via des articles dans L’Usine nouvelle (3 mars), Les Échos (4 mars), le site de BFM Business (4 mars)… Dans la presse économique donc, et pas médicale ! Faut-il y voir un signe ? Peut-être. En tout cas, le lancement de cette « annonce », quelques jours avant l’ouverture de la Conférence américaine sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), à Boston, tient du coup de pub. Un coup de pub réussi si on en juge par les titres tonitruants de certains médias : « Découverte majeure (…) dans le traitement du sida, avec l’espoir d’une rémission » (Usine nouvelle) ; « une nouvelle voie thérapeutique pour le VIH » (Les Échos) ; « Une découverte majeure et un potentiel thérapeutique énorme » (Les Échos) ; « Un pas de géant dans la lutte contre le sida » (BFM Business) ; « Une startup parisienne fait une découverte majeure sur le VIH » (Têtu), etc. Alors de quoi s’agit-il ?
Dans un communiqué, la société française de biotechnologie Diaccurate, diffusé par Businesswire (1) et largement relayé, notamment par l’AFP, explique que ses travaux « révèlent le mécanisme de paralysie du système immunitaire dans le sida ». Le professeur Jacques Thèze, cofondateur et directeur général de cette biotech, explique : « Notre découverte montre comment le virus coopère avec une enzyme [digestive, ndlr] du patient, pour induire un dysfonctionnement lymphocytaire et permettre au virus de neutraliser la réponse immunitaire du patient ». Le chercheur explique qu’en présence du virus, cette enzyme attaquerait les CD4, les exposant au VIH. Cette découverte a fait l’objet d’une publication dans The Journal of Clinical Investigation. Dans une interview aux Échos (4 mars), le professeur Jacques Thèze, également chercheur à l’Institut Pasteur, revient sur cette découverte. Il explique que ses travaux ont permis la « mise au point d’un anticorps monoclonal humanisé ». « Chez la souris, nous avons pu montrer qu’il traite l’immunodéficience générée par cette enzyme. Nous avons donc là un candidat-médicament très sérieux : il va permettre au système immunitaire de redevenir fonctionnel, de se restaurer. On peut donc espérer réduire les trithérapies, les aménager, et, à long terme, peut-être, obtenir une rémission ». Bon, cela, c’est pour le futur, mais où en sont les chercheurs de Diaccurate aujourd’hui. La réponse se trouve dans l’interview accordée aux Échos. « Nous avons fait une découverte majeure, qui contient un potentiel thérapeutique énorme, mais je préfère rester prudent », nuance le professeur Thèze. « Nous devons d’abord poursuivre des recherches de développement, sur l’animal puis sur l’humain », explique le chercheur. C’est-à-dire au tout début de la recherche qui prendra plusieurs années. En fait, on a une preuve de concept d’une nouvelle cible thérapeutique, qui semble prometteuse, mais qui n’est pas démontrée chez l’animal et pas davantage chez l’homme. Autrement dit, on ne sait pas si cela marche ou quels pourraient être les effets indésirables associés. C’est important de le savoir. Cela permet de comprendre ce qu’il y a derrière ce prétendu « pas de géant dans la lutte contre le sida ».

(1) : Business Wire est une entreprise qui propose des « circuits de diffusion et des solutions de marketing de contenus pour aider ses clients à toucher leur cible et amplifier leur visibilité.