Discovery : où en est-on ?

21 Mai 2020
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L'essai Discovery a été cité récemment par la Commission Européenne comme le seul « grand essai académique européen » évaluant des antiviraux dans le Covid-19. Reste que ce projet est en butte à de grandes difficultés qui ne lui permettent toujours pas de donner de résultats, même préliminaires, malgré les annonces du gouvernement. Cet essai est une émanation de Solidarity de l’Organisation mondiale de la santé, avec lequel, il est d’ailleurs mené en coordination. Solidarity est le consortium d’essais cliniques de l’OMS qui contribue à l’effort global international pour trouver des traitements contre le Covid. Au 12 mai 2020, 750 patients-es ont déjà été recrutés en France. L'objectif est de 800 personnes, sur un total de 3 200 personnes à inclure dans l'essai (les autres participants-es doivent venir d'autres pays). Ce projet fait partie de la liste des études et essais retenus par le consortium REACTing (France) qui organise une partie de la recherche française sur le Covid-19. L'essai Discovery a un protocole « solide », selon le terme d'un communiqué de l'Inserm et suit une méthodologie scientifique rigoureuse. Il vise à comparer quatre stratégies thérapeutiques : un groupe prend l'antiviral remdesivir, un autre prend l'association lopinavir/ritonavir (Kaletra), un troisième prend Kaletra combiné avec l'interféron beta, un quatrième l'hydroxychloroquine, dérivé de l'antipaludéen chloroquine. Un cinquième groupe de patients reçoit des « soins standards » (oxygénation, traitements de la fièvre, contre les vomissements, etc.). « Le déploiement d’un tel essai au niveau européen est long car il s’agit de monter un réseau solide en tenant compte des différences réglementaires d’un pays à l’autre et d’inclure de très nombreux patients-es en leur apportant toutes les informations nécessaires, toujours dans un souci de rigueur et de qualité méthodologique », explique l'Inserm. « Cette coopération européenne sera d’autant plus utile qu’elle se construit dans un esprit de pérennisation pour tester des molécules ciblant spécifiquement le Covid-19 quand elles en seront à un stade clinique et pour bâtir des fondations solides en cas de nouvelle(s) grande(s) épidémie(s) », poursuit l'institut de recherche, mais il n'en demeure pas moins que pour le moment, l'essai Discovery patine. Les autres pays (hormis un patient au Luxembourg) n'ont pas encore recruté leurs participants-es et on reste encore très loin du compte. Au point que certains médecins ont rebaptisé l'essai du nom de « Fiascovery ». L'essai est ambitieux puisqu'il compare quatre stratégies thérapeutiques différentes et que ses concepteurs-rices en escomptent « des réponses définitives sur des stratégies thérapeutiques antivirales dont l’efficacité et la tolérance sont actuellement incertaines ». Or, pour cela, il faut un nombre conséquent de participants-es... Plus le nombre sera bas, moins solides et probants seront les résultats. Une des difficultés, outre la différence de réglementation d'un pays à un autre, réside dans le coût de l'essai (environ 5 000 euros par personne incluse). Régulièrement, se tiennent des réunions du DSMB (Data Safety Monitoring Board). Le DSMB est un comité de surveillance et de suivi des données. C'est-à-dire un groupe de personnes indépendantes, externes à l'essai, qui sont des experts-es dans des secteurs pertinents. Ils et elles étudient régulièrement les données accumulées d'essais cliniques et conseillent le promoteur de l'essai. Le 11 mai dernier, le DSMB de l'essai Discovery s’est prononcé pour la poursuite de Discovery sur les quatre groupes thérapeutiques après avoir examiné les données de 700 patients. « L’essai continue donc, afin de parvenir à des résultats rigoureux et de qualité, permettant de dire quelle molécule s’avèrerait efficace pour quel patient et à quelle dose ». Si les experts-es du DSMB recommandent de continuer, cela signifie qu'« ils considèrent qu'il n'y a pas de problème de toxicité, qu'ils ne voient pas d'efficacité majeure, mais qu'ils pensent qu'en incluant (davantage de patients, NDLR), peut-être qu'on peut essayer de montrer une efficacité », souligne, auprès de l'AFP, le Pr YazdanYazdanpanah, qui coordonne le réseau REACTing, qui soutient le projet. On l'aura compris, cela ne se fera que si les obstacles actuels au recrutement, notamment dans les pays partenaires sont levés. Dans une interview au Journal du dimanche, la responsable méthodologique de Discovery, France Mentré, a annoncé que le DSMB se réunirait de nouveau le 3 juin. Selon elle, « si on arrive à inclure des pays européens avec lesquels on travaille actuellement, j'espère que l'on pourra finir l'étude fin juin ».