Disparition de Sandrine Musso

12 Août 2021
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« La médecine, la maladie et la santé constituent dans le monde contemporain un observatoire majeur des économies morales du temps présent, une perspective capitale sur les enjeux liés à la mondialisation, dans un contexte où la santé publique constituerait aujourd’hui une « nouvelle religion du salut ». Ce qui se joue autour de la santé est au cœur de la formulation des valeurs contemporaines, qu’il s’agisse de l’appréhender sous l’aspect de ses enjeux économiques, politiques, symboliques et imaginaires ou immatériels (…) Les inégalités de santé telles qu’elles sont envisagées par l’anthropologie viennent souligner l’inégale valeur des vies, leur inégal accès au « comptage », l’inégal traitement de leurs disparitions ». Ces phrases, on les doit à l’anthropologue de la santé Sandrine Musso, maître de conférence à l’Université d’Aix-Marseille. Elles sont extraites d’un texte particulièrement fort que cette chercheuse a consacré à un thème (comment l’anthropologie de la santé éclaire certains enjeux des migrations) qu’elle aura beaucoup travaillé au cours de sa carrière. Dès ses études, Sandrine Musso s’intéresse au VIH/sida. Politologue de formation initiale, elle soutient, en 2008, une thèse de doctorat d’anthropologie sociale et d’ethnologie à l’EHESS à Paris, dont le sujet est : « Sida et minorités postcoloniales. Histoire sociale, usages et enjeux de la cible des « migrants » dans les politiques du sida en France ». Un sujet qu’elle suivra continuellement. Ainsi depuis 2016, elle était membre du Conseil scientifique du projet « Histoire et mémoire des luttes contre le sida » du Mucem, à Marseille. Elle était membre du Conseil national du sida et des hépatites virales. La chercheuse a beaucoup publié sur ce sujet (ouvrages collectifs, articles scientifiques, Journal du sida, etc.) sur des thèmes aussi divers que  « Le Maghreb face au VIH/sida », « L’annonce de séropositivité dans le contexte de la trajectoire migratoire », « Maghreb, sida et toxicomanie, un sujet délicat » ou encore  « Enquête : l’accès aux soins des étrangers atteints par le VIH en France », « Les femmes séropositives originaires d’Afrique sub-saharienne en France ; les ambivalences d’une visibilité émergente, etc. Elle a aussi fait de nombreuses interventions dans des colloques, lancé des programmes de recherche, monté des journées scientifiques. Elle a également beaucoup publié sur les enjeux de santé chez les migrants-es (la revue Plein droit du Gisti, etc.). Son parcours scientifique, particulièrement actif, indique que l’essentiel de son travail aura porté  sur l’anthropologie politique de la santé et du sida, les phénomènes de discriminations, les catégorisations sociales dans le traitement de la maladie, la médiation en santé publique, et sur l’engagement et la réflexivité dans la conduite de la recherche. Ses recherches se sont placées au croisement de l’anthropologie politique du corps et de la santé, du genre, de la globalisation et des migrations. De fait, elle s’intéresse à de nombreux sujets : les addictions (par exemple, l’histoire sociale de l’héroïne en France, ou le placement précoce des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance à Marseille. Depuis 2020, elle travaillait, notamment au projet de recherche ANR CoMeSCov qui porte sur le confinement et mesures sanitaires visant à limiter la transmission de la Covid-19. Sandrine Musso est décédée le 8 août des suites du cancer. Elle laisse une œuvre considérable avec de nombreux textes en accès libre. On peut la découvrir sur le site du Centre Norbert Elias.