Don du sang pour les homosexuels

12 Octobre 2018
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Les députés-es ont voté mercredi 3 octobre en commission la fin des restrictions dans les dons du sang concernant les homosexuels, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi Les Républicains « visant à la consolidation du modèle français du don du sang ». La commission des Affaires sociales a adopté un amendement des députés socialistes, dont Hervé Saulignac, alignant pour le don la durée d'abstinence des homosexuels sur celle s'appliquant aux hétérosexuels (quatre mois d'absence de relations avec plusieurs partenaires), indique l’AFP. « Pour tout homme donneur et toute femme donneuse, aucune distinction ne doit être faite en fonction du genre et sexe du ou des partenaires avec qui il ou elle aurait entretenu des relations sexuelles », stipule l'amendement qui a reçu le soutien du rapporteur de la loi, et celui des députés-es Les Républicains, du Mouvement Démocrate et apparentés et des députés-es La France Insoumise. Les députés La République en Marche se sont, en revanche, prononcés contre. Depuis juillet 2016, les hommes homosexuels peuvent théoriquement donner leur sang, geste qui leur était interdit depuis 1983 en raison des risques de transmission du sida. Mais cette possibilité est soumise à des conditions fixées par un arrêté du 5 avril 2016, notamment l'abstinence d'un an, qui doit être déclarée lors d'un entretien préalable. Ce même critère s’applique dans d’autres pays concernant les dons de sang par des homosexuels. Cette proposition de loi « visant à la consolidation du modèle français du don du sang », portée par Damien Abad (LR, député de l'Ain), prévoit aussi d'abaisser l’âge légal ouvrant droit au don du sang de 18 à 17 ans, âge fixé en commission pour s'aligner sur le droit européen. Le texte entendait, en outre, inciter davantage les dons en entreprise par les salariés-es, rappeler dans la loi les principes de sécurité, d'éthique et de gratuité du don du sang, et encore permettre de pouvoir inscrire sur la carte d'identité les éléments sur le groupe sanguin de la personne. La majorité LREM a rejeté toutes ces autres mesures. La proposition de loi réduite à deux articles sera examinée dans l'hémicycle le 11 octobre 2018.  L’amendement adopté par la commission entre en contradiction avec l’arrêté du 5 avril 2016 fixant les critères de sélection des personnes donneuses de sang. Il est également en contradiction avec la démarche engagée par le ministère de la Santé à cette époque (levée progressive des restrictions) soutenue par plusieurs acteurs de la lutte contre le sida, dont AIDES. Sur ce sujet, la position de AIDES est donc différente de la plupart des associations LGBT.  Le don du sang est régi par des impératifs de sécurité transfusionnelle, afin de réduire les risques de transmission de pathogènes, dont le VIH ou les virus des hépatites, lors des transfusions ou de l’administration de produits sanguins. Cette sécurité repose notamment sur la sélection des donneurs, l’entretien conduit par le médecin avec le donneur avant le don, l’analyse biologique et le dépistage des prélèvements, ainsi que des mesures techniques de traitements des lots, rappelle AIDES. Jusqu’à présent, les hommes ayant eu dans leur vie des relations sexuelles avec des hommes (HSH) étaient exclus du don du sang. Cette interdiction n’est pas spécifique aux HSH, et d’autres critères sont retenus pour exclure certaines personnes du don du sang, de façon permanente ou temporaire (séjour dans certains pays, changements de partenaires, etc.). Avec la disposition du projet de loi de Santé de 2016, de nouveaux critères de sélection ont été définis. De nombreux acteurs associatifs et institutionnels, dont AIDES, ont participé depuis mai 2015 à un processus de consultation initié par la direction générale de la Santé afin de préciser les modalités de l’inclusion des HSH dans l’organisation de la collecte de sang, en évaluant leurs conséquences sur la sécurité transfusionnelle. L’exclusion permanente des HSH du don du sang était considérée comme une discrimination par de nombreux partenaires associatifs gays et LGBT. De son côté, AIDES comprend le « sentiment de stigmatisation et de discrimination » que des homosexuels peuvent éprouver, mais l’association estime qu’il n’est pas possible de ne « pas prendre en compte le contexte épidémiologique du VIH qui augmente considérablement le risque de contamination pour les HSH. Cette forte prévalence du VIH chez les hommes bi et homosexuels (40% des nouvelles contaminations par le VIH se concentrent aujourd’hui chez les HSH), associée aux différences entre risques réels et risques perçus (autrement dit une mauvaise évaluation du risque lié aux pratiques)  implique une augmentation statistique du risque de contamination des HSH et donc du risque résiduel de transmission pour les personnes bénéficiaires du don du sang ». Suivant une position constante guidée par les impératifs de sécurité transfusionnelle, AIDES a ainsi soutenu l'évolution des critères d'inclusion dans le don du sang telle qu'elle a été officialisée en octobre 2015 par la ministre de la Santé, et qui met fin à l'exclusion définitive des HSH du don du sang. « Cette évolution des critères permettra notamment aux HSH de faire un don de plasma sécurisé suivant des critères d'inclusion équivalents pour les diverses pratiques sexuelles entre hommes ou non. Elle maintient par ailleurs un ajournement de douze mois après la dernière relation sexuelle entre hommes pour le don de sang total, au lieu de l’ajournement permanent en vigueur auparavant », indique AIDES. L’ONG et d’autres partenaires consultés ont également insisté sur la nécessité d'inscrire officiellement dans un calendrier le recueil de données et les recherches à mener pour permettre et sécuriser l'évolution possible des critères d'inclusion en s’assurant d'un maintien au même niveau optimal de la sécurité transfusionnelle actuelle. Dans son argumentation, AIDES avance qu’il est de sa « responsabilité », et de celle des organisations communautaires gays, LGBT et de lutte contre l’homophobie, « d'expliquer pourquoi ces critères d'inclusion sont mis en place, suivant quelles logiques, et pourquoi il est important de les respecter par égard pour les bénéficiaires du don du sang qui restent les premières personnes concernées par ce dispositif ». AIDES rappelle aussi qu’elle « a toujours été du côté de l'égalité des droits et de toutes les luttes contre les discriminations homophobes, et quand nous rappelons que donner son sang n'est pas un droit, c'est simplement pour dire que cela ne soulève aucun enjeu pour quiconque ni d'accès aux droits élémentaires, ni d'accès à la santé, ni d'accès aux ressources, ni d'accès au travail, ni d'accès au logement (…) Si nous voulons que les critères d'inclusion dans le don du sang évoluent pour les HSH, à nous de nous concentrer sur l'objectif qui nous mobilise à AIDES, et de travailler à faire reculer l'épidémie de VIH, et la concentration de 40 % des nouvelles contaminations chez les HSH, par tous les moyens dont nous disposons. »