Et vous qu'en pensez-vous ?

7 Juillet 2009
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Vous vous rappelez sans doute la publication, en avril dernier, de l'avis du Conseil national du sida sur "l'intérêt du traitement comme outil novateur de la lutte contre l'épidémie d'infections à VIH", un texte riche, complexe, qui a suscité de nombreuses réactions notamment parmi les associations de lutte contre le sida. Dans cet avis, le Conseil national du sida estime que l'affirmation, scientifiquement prouvée, que "le traitement réduit très fortement le risque de transmission" est une nouvelle importante qui est à même de modifier la perception de la séropositivité dans la société en général et même de modifier la perception de la séropositivité que les personnes touchées ont elles-mêmes. Qu'en pensez-vous ? Est-ce le cas pour vous ? L'espérez-vous ?
Remaides consacre dans son numéro d'été un dossier à cet avis et se propose de publier un article qui reprendra vos réactions et commentaires à cette affirmation du Conseil nationale du sida. C'est à vous. Merci d'indiquer à la fin de votre message si vous êtes d'accord pour que votre réaction soit publiée dans ce dossier et s'il est possible de citer votre pseudo ou pas.

Commentaires

Portrait de nathan

Les spécialistes du vih savent depuis longtemps déjà qu'un de premiers effets des traitements ARV est de réduire la quantité de virus dans le sang mais surtout aussi dans le sperme. Et l'année dernière, le Professeur Girard (DGS) a même déclaré publiquement sur France Inter ("Le téléphone sonne") en présence de Didier Lestrade qu'un des objectifs des traitements (souvent surdosés ?) a toujours été aussi de freiner la transmission, ce que l'on peut appeler un objectif de santé publique. L'avis du CNS rend donc officiel ce qui était "officieux" depuis des années puisque c'est aussi ce qui était visé, sur le plan de la santé publique, par la mise en oeuvre des traitements en même temps (ou avant ?) que l'amélioration de la santé des pvvih : enrayer la progression de l'épidémie.

Seulement voilà : l'opinion publique était-elle prête à entendre cela ? Diffuser cette information n'était-ce pas risquer que les pvvih se sentent ainsi "déresponsabilisées" dans leur rapport à la prévention ? Finalement, ce sont les faits qui ont pris le dessus sur ces questions bien théoriques. Du fait de l'allongement de la vie sous traitement, nous sommes de plus en plus nombreux et donc autant de vecteurs de transmission possibles. Malgré les campagnes de prévention, les pratiques de relâchement se sont fatalement multipliées car l'homme n'est pas une machine programmable dans laquelle il suffit d'insérer des messages de prévention pour qu'automatiquement il les respecte. Et il y a bien quelque chose qui ne rime pas avec la sexualité, c'est la contrainte externe car la sexualité demeure sans doute un des rares "moments" où l'on peut exercer "sa" liberté dans une société de plus en plus contrôlée et policée. Qu'aujourd'hui, plus d'une personne sur deux nouvellement contaminées le soit par un virus déjà traité et souvent résistant indique bien que, dans la durée, le tout capote est une chimère.

Alors oui, l'avis du CNS rend public ce qui est pour les spécialistes une lapalissade depuis longtemps. Mais je pense que la communication a été une nouvelle fois mauvaise, une fois de plus. Au lieu d'insister avant tout sur le bénéfice que les pvvih pouvaient tirer d'une observance optimale au traitement, au lieu de mettre d'abord en avant l'avantage que n'importe qui peut tirer d'un dépistage précoce pour la mise en oeuvre d'un traitement précoce en cas de séropositivité, le CNS a évoqué d'abord l'intérêt des traitements dans la réduction des risques de transmission au cours des rapports sexuels. Et évidemment cet avis a entraîné de nouvelles polémiques et une nouvelle levée de boucliers, ici aussi sur Seronet, des partisans du tout capote et a réveillé une guerre entre eux et les barebackers. La France est un pays latin où les tabous ont la peau dure.

C'est pourquoi je pense et je défends constamment ce point de vue sur Seronet qu'il faut avant tout plaider pour un dépistage précoce dans la perspective d'un traitement au plus près de la contamination dans l'intérêt premier des pvvih elles-mêmes. Car on sait maintenant certainement que dès son entrée dans l'organisme le vih provoque des dégâts et ceux-ci augmentent avec la durée pendant laquelle le virus peut se répliquer sans être maîtrisé par les antirétroviraux*, hormis bien sûr le cas des progresseurs lents, moins de 1 % des pvvih. Je résume souvent mon point de vue d'une formule qui fait écho à un texte fondamental de Michel Foucault : le souci de soi préexiste au souci des autres. Plus clairement, c'est en insistant sur le bénéfice égoïste qu'une pvvih peut tirer d'un traitement précoce qu'on peut atteindre dans le même temps l'objectif de santé publique de ralentissement de l'épidémie. Bien sûr tout cela sera d'autant plus audible que les traitements auront moins d'effets secondaires ou qu'ils entraîneront sur le long terme moins de co-morbidités.

A mon avis voilà ce que le CNS devrait d'abord mettre en avant. Remaides peut bien entendu publier mon point de vue en citant mon pseudo.

* Par comparaison, pour le diabète, on parlait autrefois d'une phase de prédiabète qu'on appelait aussi "intolérance au glucose" pendant laquelle on estimait qu'il n'était pas nécessaire de traiter. On sait aujourd'hui grâce notamment à une étude canadienne que dès son apparition le diabète provoque des dégâts et c'est pourquoi les recommandations de la HAS préconisent une mise sous traitement la plus proche possible de la découverte du diabète. Ce qui est maintenant une constante des pratiques des diabétologues. D'où l'importance aussi d'u dépistage précoce d'une maladie comme le sida qui peut rester longtemps silencieuse alors même qu'elle provoque des dommages souvent irrémédiables dans l'organisme.

Portrait de Zagadoum

Je suis assez favorable à ce que les choses soient divulguées. J' y vois la certitude d'être perçu comme un être humain et non pas un virus ambulant. Cependant je pense qu'il convient de bien expliquer les choses et c'est pas simple. Et cela n'élimine pas le préservatif : qui reste un contraceptif et aussi dans certaines situations encore un outil de prévention : la responsabilité d'une personne ayant le VIH consiste en l'adhérence à son traitement , et aux conditions de celles ci. En fait ça déplace beaucoup de choses. Je ne crains pas que un processus d'irresponsabilité se mette en place , je pense qu'on se dirige plutôt vers une forme de partage. Aujourd'hui il le seropo hyper-responsable , et le seroneg littéralement poupée gonflable ( irresponsable ) si il devient séropo. Ben je crois que ça doit changer.
Portrait de skyline

L'avis du CNS a été pour moi un soulagement.

Soulagement car il remet enfin au centre de la prévention et de la prise en charge l'intégrité et l'intelligence des individus, leur permettant de gérer de manière éclairée leur sexualité et leur soins en dehors de l'infantilisation et de l'autisme de certaines associations ou services de santé, qui préfèrent le contrôle social et la stigmatisation à la prise en compte des diversités de vécus et du libre arbitre de chacun.

Soulagement car à l'heure actuelle, la mise sous traitement efficace d'une majorité de séropositifs est la seule solution crédible d'éradication de la maladie à moyen terme (on parle de 50 ans), puisque la transmission n'est plus possible lorsque la charge virale est devenue indétectable.

Soulagement car cet avis insiste sur la nécessité d'améliorer l'offre de dépistage afin de dépister au plus tôt permettant donc de tendre vers la logique sus-mentionnée, et de réduire l'impact du virus sur la santé des personnes concernées.

Soulagement car la mise sous traitement précoce y est considérée comme prometteuse et comme négociable avec le médecin en fonction de la demande, de la situation (maritale notamment, désir d'enfant de manière naturelle) et des pratiques du patient : le patient est remis au centre des décisions thérapeutiques.

Soulagement car cela va permettre de dédiaboliser un peu plus les personnes séropositives à l'heure où une majorité de nos concitoyens pensent encore que boire dans le même verre que nous est dangereux !

Soulagement car cela va peut-être permettre au VIH d'être enfin intégré à notre société au même titre que la diabète et surtout permettre aux personnes séropositives de se réapproprier leurs corps et leur psyché, encore trop uniquement médicalisés : atteindre un souci de soi qui ne soit pas le souci des autres mais bien le souci de soi pour autrui !

Vous pouvez publier mon témoignage avec mon pseudo. Merci pour cette initiative intelligente.