État d’urgence : la crainte du permanent

5 Octobre 2020
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Le coup d’État d’urgence... permanent. La Défenseure des droits (DDD), Claire Hédon, a adressé (25 septembre) une lettre au Président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et à la commission des lois dans laquelle elle rappelle à la représentation nationale que « si la crise sanitaire que nous traversons pourrait justifier des mesures exceptionnelles, le respect des libertés doit demeurer la règle et les restrictions, l’exception, en toutes circonstances ». Cette adresse concerne un nouveau projet de loi « prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire », projet qui inquiète. C’est en effet le quatrième présenté par le gouvernement en six mois pour demander au Parlement de voter des mesures dérogatoires au droit commun. De fait, la Défenseure des droits alerte sur « certaines dispositions (…) susceptibles de porter une atteinte disproportionnée à la vie privée et au principe d’égalité ». Elle rappelle que « toutes mesures prises au regard de la crise sanitaire actuelle doivent répondre à trois exigences fondamentales requises par l’État de droit : la prévisibilité, la nécessité et la proportionnalité. Ce qui pose problème à la DDD, c’est notamment que le « projet de loi de prorogation de ce régime transitoire se différencie, en l’état, peu de l’état d’urgence sanitaire qui a pris fin le 10 juillet dernier, et risque donc de pérenniser le recours à un régime d’exception ». De surcroît, la « mise en œuvre de certaines restrictions sur le territoire a pu donner lieu à des mesures parfois disparates, excessives ou plus restrictives d’un territoire à un autre, sans que la différence de situation ne permette de le justifier (comme par exemple les diverses applications sur le territoire de l’obligation du port du masque sur la voie publique) ». Autre point de vigilance, « l’absence de contrôle juridictionnel préalable impose aux autorités publiques une vigilance accrue, notamment au regard du durcissement possible de certaines mesures qui pourraient porter une atteinte disproportionnée aux droits et libertés (telle que la limitation du nombre de personnes réunies dans la sphère privée). Dès lors, ce régime transitoire doit s’accompagner d’un renforcement du contrôle parlementaire des mesures sanitaires », insiste Claire Hédon. On verra bien quelles suites, le gouvernement entend donner à cette demande de « respect des exigences de l’État de droit sur l’ensemble du territoire ». Une demande qui s’inscrit dans les pas de son prédécesseur, Jacques Toubon, qui avait déjà attiré l’attention de l’exécutif sur les mêmes points.