Etranger malade : une décision primordiale de la CEDH

7 Janvier 2017
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Le 13 décembre 2016, la Cour Européenne des Droits de L'Homme a pris une décision importante en matière de droit au séjour et de protection contre l'expulsion des étrangers malades. Il s’agit de l’affaire "Paposhvili c. Belgique". Elle concernait la situation d’un Géorgien, atteint d'une leucémie et d'une tuberculose, qui s'était vu refuser à plusieurs reprises un titre de séjour en Belgique. La décision de la Cour apporte pour la première fois une définition précise des situations où le refus de séjour ou la décision d’expulser une personne gravement malade vers un pays où elle n’aurait pas accès aux soins constitueraient un "traitement inhumain ou dégradant". Pour la Cour, l’existence d’un"risque réel d’être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie" justifie la suspension de la décision d’expulsion et la reconnaissance d’un droit au séjour. Et c’est à l’Etat de s’assurer que la personne malade étrangère aura la possibilité effective d’accéder au traitement dans le pays vers lequel elle pourrait être renvoyée. Cette décision marque un tournant pour la Cour. En 2009, elle n’avait pas considéré que le renvoi d’une femme, séropositive pour le VIH, ayant développé des maladies opportunistes, vers l’Ouganda, où elle n’avait aucune assurance d’avoir accès au traitement, était contraire à la Charte européenne des Droits de l’Homme (affaire N c. Grande-Bretagne). La protection proposée dans la décision européenne n'est pas équivalente à celle prévue par le droit français qui reste supérieure, mais elle ouvre la voie pour beaucoup de pays européens où aucun dispositif n'existe dans ce domaine. Elle montre également quela mobilisation pour le droit au séjour aux soins, notamment en France, porte ses fruitsmalgré un contexte politique et sociétal défavorable.