Formes graves de Covid-19

5 Octobre 2020
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Pourquoi la réponse individuelle à l’infection par le virus Sars-CoV-2 varie-t-elle autant d’une personne à l’autre ? C’est ce qu’a cherché à comprendre une équipe de recherche. Et cela dans l’objectif stratégique que : « Résoudre ce mystère permettrait d’identifier les patients à risque, d’anticiper et d’améliorer leur prise en charge et d’offrir de nouvelles voies thérapeutiques fondées sur une meilleure compréhension de la maladie ». Des chercheurs-ses français (Inserm, Université de Paris, AP-HP, CNRS, etc.) et étrangers-ères (Université Rockefeller, Howard Hughes Medical Institute à New York), ont pour la première fois répondu à cette question clé, explique un communiqué de l’Inserm. L’équipe franco-américaine, dirigée par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel (1) a identifié les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15 % des forme graves de Covid-19. Ces personnes malades ont un point commun : « un défaut d’activité des interférons de type I, molécules du système immunitaire qui ont normalement une puissante activité antivirale ». Cette découverte permettrait de « dépister les personnes à risque de développer une forme grave, et de mieux soigner ce groupe de patients », explique l’Inserm. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Science.

Dès le début de pandémie de Covid-19, le chercheur Jean-Laurent Casanova et son équipe ont mis en place un consortium international, Covid human genetic effort, dans le but d’identifier les « facteurs génétiques et immunologiques pouvant expliquer la survenue de formes graves de la maladie ». Ils se sont intéressés à des patients-es atteints-es de ces formes sévères, dont certains-es inclus-es dans les cohortes French-Covid et CoV Contact. En ciblant leur recherche sur des mécanismes spécifiques de l’immunité – la voie des interférons (IFN) de type I qui sont de puissantes molécules antivirales – les chercheurs-euses ont mis en évidence chez certains-es patients-es des « anomalies génétiques » qui diminuent la production des IFN de type I (3 - 4 % des formes graves). Chez d’autres patients-es, ils ont identifié des maladies auto-immunes qui bloquent l’action des IFN de type I (10 – 11 % des formes graves). L’ensemble de ces découvertes expliquerait donc 15 % des formes graves de Covid-19.

Une première publication scientifique dans Science décrit des « anomalies génétiques chez des patients atteints de formes sévères de Covid-19 au niveau de treize gènes déjà connus pour régir la réponse immunitaire contrôlée par les IFN de type I contre le virus grippal. Des mutations de ces gènes sont la cause de certaines formes sévères de grippe ». La principale conséquence de ces mutations est un défaut de production des IFN de type I. Quel que soit leur âge, les personnes porteuses de ces mutations sont plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de Covid-19. Conséquence ? « Un moyen simple et rapide de détecter certains de ces sujets à risque pourrait être le dosage sérique des IFN de type I. De plus, la « prise précoce d’IFN de type 1 chez ces patients pourrait être une piste thérapeutique. Ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et sans effets secondaires notables s’ils sont pris pendant une courte période », rappelle la communication de l’Inserm.

Une seconde publication, toujours dans Science montre chez les personnes atteintes de formes graves de Covid-19, la présence à taux élevé dans le sang d’anticorps dirigés contre les IFN de type I des individus (auto-anticorps) et capables de neutraliser l’effet de ces molécules antivirales. « Ces auto-anticorps sont retrouvés chez plus de 10 % des patients développant une pneumonie grave par infection au Sars-CoV-2. D’une manière intéressante, ils ont pu être retrouvés bien avant la pandémie chez certains patients suivis de longue date à l’AP-HP pour d’autres pathologies. Ils sont absents chez les personnes qui développent une forme bénigne de la maladie et sont rares dans la population générale. Leur présence empêche les IFN de type I d’agir contre le virus Sars-CoV-2. La production de ces anticorps dirigés contre le système immunitaire des patients témoigne probablement d’autres altérations génétiques qui sont en cours d’étude », détaille l’Inserm. L’analyse d’un échantillon contrôle de 1 227 personnes en bonne santé a permis d’évaluer la prévalence d’auto-anticorps contre l’IFN de type 1 à 0,33 % dans la population générale, soit une prévalence 15 fois inférieure à celle observée chez les personnes atteintes de formes sévères. Ces résultats laissent penser qu’il faut donc dépister la population générale afin de détecter ces anticorps. « Qu’il s’agisse de variants génétiques qui diminuent la production d’IFN de type I pendant l’infection ou d’anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l’infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial des IFN de type I dans la réponse immunitaire contre le Sars-CoV-2 », concluent Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, cités par l’Inserm.

(1) : Jean-Laurent Casanova dirige la génétique et l’immunologie expérimentale dans les deux branches, tandis que Laurent Abel dirige la génétique et l’épidémiologie mathématique dans les deux branches.