France : l'exclusion des homosexuels du don du sang possible

13 Mai 2015
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L’information ne va pas forcément simplifier le débat, mais autant avoir toutes les cartes sur table. L'exclusion permanente des homosexuels du don du sang en France en raison des risques liés au VIH peut être justifiée, mais sous de strictes conditions. C’est ce qu’a décidé (29 avril) la justice européenne. La Cour de justice européenne s’est prononcée sur une affaire démarrée en 2009 à la demande de la justice française. En avril 2009, un médecin de l’Etablissement français du sang à Metz (France) refuse le don de sang que souhaitait faire un homme, M. Léger, au motif que celui-ci avait eu une relation sexuelle avec un homme et que le droit français exclut de manière permanente du don de sang les hommes ayant eu de telles relations sexuelles. M. Léger ayant contesté cette décision, le tribunal administratif de Strasbourg (France) demande alors à la Cour de justice si cette exclusion permanente est compatible avec une directive de l’Union [sur les exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins, ndlr]. Dans un communiqué (29 avril), la Cour de justice indique déclarer dans son arrêt que "le tribunal administratif de Strasbourg devra déterminer si, dans la situation d’un homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme, il existe, en France, un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang". Il devra, pour ce faire, s’appuyer sur les données épidémiologiques. Et le communiqué d’expliquer encore : "Il faut établir qu’il existe, pour ces personnes, un risque élevé de contracter des maladies infectieuses graves, comme notamment le VIH, et que des techniques efficaces de détection ou des méthodes moins contraignantes pour assurer un niveau élevé de protection de la santé des receveurs font défaut". En fait, le jugement semble hésiter. "La législation française est susceptible de comporter à l'égard des personnes homosexuelles masculines une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle", estime d’une part la Cour de justice européenne. Ainsi en supposant que "l'exclusion prévue par la réglementation française contribue à réduire au minimum le risque de transmission d'une maladie infectieuse", le "principe de proportionnalité" avec cet objectif pourrait toutefois "ne pas être respecté", avance-t-elle. Autrement dit : exclure tous les homosexuels du don de sang serait disproportionné. La cour européenne souligne que le VIH peut "être détecté par des techniques efficaces", comme la mise en quarantaine des poches de sang pendant une vingtaine de jours, durée entre la contamination et le moment où le virus peut être détecté dans le sang. Mais ce n’est pas ce qui est fait aujourd’hui. Donc, en l'absence d'un tel dispositif, "le questionnaire et l'entretien individuel avec un professionnel du secteur médical peuvent permettre d'identifier plus précisément les comportements sexuels à risque", indique la Cour.  Elle demande donc à la justice française de "vérifier s'il n'existe pas de méthodes moins contraignantes que l'exclusion permanente du don de sang".  Et d’ajouter : "Dans le cas où de telles techniques n’existeraient pas, le tribunal administratif de Strasbourg devra vérifier s’il n’existe pas de méthodes moins contraignantes que l’exclusion permanente du don de sang pour assurer un niveau élevé de protection de la santé des receveurs et, notamment, si le questionnaire et l’entretien individuel avec un professionnel du secteur médical peuvent permettre d’identifier plus précisément les comportements sexuels à risque". Bon, on comprend que la justice doit chercher ce qui pose le moins de problèmes de discrimination tout en assurant la meilleure sécurité des dons de sang. C’est ce travail de refonte du questionnaire remis aux donneurs de sang qu’a annoncé, mi avril, la ministre de la Santé, dont le souhait est de permettre aux homosexuels de donner leur sang. Tout va donc être une question de curseur. Et rien n’est simple, car le communiqué de la Cour de justice a pour titre : "L’exclusion permanente du don de sang pour les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes peut être, eu égard à la situation prévalant dans l’Etat membre concerné, justifiée".