Grindr : la Chine cède

16 Mars 2020
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La pression des États-Unis a finalement porté ses fruits. Il faut dire que le pays en faisait un enjeu de sécurité nationale. Samedi 7 mars, Kunlun Tech, le propriétaire chinois de l’appli de rencontres Grindr, a révélé avoir conclu un accord pour sa revente à un nouveau propriétaire. Grindr sera prochainement détenu par une firme américaine, conformément au bon vouloir des pouvoirs publics américains, indique l’AFP. Dans un communiqué transmis à la bourse de Shenzhen (Chine), le spécialiste des jeux en ligne chinois Kunlun Tech a précisé les termes de cet accord qui prévoit la revente de ses 98,59 % dans Grindr, pour un montant d'environ 608,5 millions de dollars. L'acquéreur est la holding américaine San Vicente Acquisition LLC. L’application Grindr a été créée en 2009. Elle revendique plus de quatre millions d'utilisateurs-rices LGBTQ quotidiens, à travers le globe. Kunlun Tech avait initialement payé 93 millions de dollars en 2016 pour prendre 60 % des parts de Grindr. L'entreprise chinoise était ensuite montée à 100 % du capital en 2018, déboursant 152 millions de dollars supplémentaires. Mais ce passage sous pavillon chinois de l'application avait attiré l'attention d'une agence fédérale américaine : le comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (Cfius). Kunlun avait annoncé en mai 2019 avoir signé un accord avec le Cfius, en vertu duquel il s'engageait à vendre l'application d'ici juin 2020 – mais sans expliciter les raisons de cette décision. C’est le Wall Street Journal qui a fait connaître les raisons. Le Cfius avait ordonné à Kunlun de céder Grindr en raison de craintes de sécurité. Cette agence fédérale, chargée d'examiner les conséquences sécuritaires des acquisitions de groupes étrangers aux États-Unis, craignait que des utilisateurs américains utilisant l'application ne soient victimes de chantage (du fait de leur orientation sexuelle, identité de genre ou statut sérologique pour le VIH) si le gouvernement chinois exigeait de l’entreprise chinoise des données sur les utilisateurs-rices de l’appli. En cause, une loi chinoise de 2017 qui impose aux entreprises chinoises de coopérer avec les services de renseignements, lorsqu’ils le demandent. Par ailleurs, comme le précise l’AFP, la cession de Grindr intervient alors que les « inquiétudes montent dans plusieurs pays occidentaux sur la protection des données des usagers de l'application ». Par exemple, le Conseil norvégien des consommateurs a accusé, mi-janvier, Grindr de partager les données GPS, l'adresse IP, l'âge et le sexe de ses utilisateurs-rices avec une multitude d'acteurs-rices soucieu-sesx de mieux cibler leurs publicités. Un partage jugé illégal et « une violation insensée des droits européens de confidentialité des usagers », selon le Conseil norvégien des consommateurs. La vente à San Vicente Acquisition LLC doit désormais être approuvée par le Cfius, a précisé Kunlun dans son communiqué. Environ 1,4 % des parts, aujourd'hui aux mains des dirigeants-es et employés-es de Grindr, ne sont pas concernées par la transaction annoncée le 7 mars.