Héroïne : nouveaux usages et nouvelle politique

18 Avril 2013
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Le profil des consommateurs d'héroïne, a évolué ces dernières années, avec une population désormais dépendante à plusieurs produits (cocaïne, cannabis, alcool, tabac, etc.) et plus précarisée, et une augmentation des overdoses, qui nécessite une nouvelle politique, ont estimé plusieurs experts, réunis à Paris le 5 avril dernier. Alors que de 1994 à 2006, la France était le pilote mondial dans le traitement des personnes dépendantes à l’héroïne avec notamment les médicaments de substitution aux opiacés, elle s'est endormie sur son glorieux passé, a expliqué le docteur William Lowenstein, président de SOS Addictions, cité par l’AFP. Ce dernier a appelé à la création d'une Agence nationale de recherche sur les addictions, qui serait notamment chargée de la validation de nouveaux médicaments. La France compte plus de 180 000 personnes dépendantes à l'héroïne et environ 500 000 personnes en auraient déjà consommée une fois dans leur vie, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicologies (OFDT). En 2012, 160 00 personnes ont bénéficié d'un traitement de substitution aux opiacés (méthadone ou buprénorphine/Subutex), a précisé William Lowenstein. Les usagers d'héroïne consomment désormais aussi de la cocaïne, du cannabis, des médicaments psychotropes, du tabac et de l'alcool, a souligné le psychiatre et addictologue Laurent Karila. Selon lui, ils ont tendance à remplacer l'héroïne par d'autres drogues, dont les drogues de synthèse, ce qui se traduit par exemple par l'injection de dérivés morphiniques.

Commentaires

Portrait de frabro

Le phénomène de polyconsommation et/ou de polyaddictions n'a rien de nouveau, il est le quotidien des intervenants en toxicomanie depuis des années (dix ans pour ce qui me concerne) et rend de plus en plus complexe la prise en charge de réduction des risques comme de soins des usagers.

Les modes d'usage changent également depuis des années, l'injection reculant au profit du sniff (majoritaire) et de l'inhalation, notamment dans les milieux festifs où l'injection reste un mode de prise très minoritaire.

L'approche de l'addiction par le produit et le médicament de substitution est obsolète, et seule une approche combinée médico-psycho-sociale peut aider la personne addicte à modifier ses comportements. La substitution est une arme parmi d'autre, dont les limites sont connues : la buprénorphine est aujourd'hui une drogue de rue accessible à bas prix, et la méthadone tend à l'y rejoindre.

Les intervenants en toxicomanie savent bien aussi que souvent la baisse des consommations d'opiacés est compensée chez les usagers les plus addicts par la consommation massive d'alcool et de médicaments psychotropes.

D'autres formes de substitution existent chez nos voisins européens, en particulier l'héroïne médicalisée et/ou sous forme injectable. Il est, me semble-t-il, inutile de créer un "machin" de plus pour inventer l'eau tiède alors que d'autres l'ont fait depuis longtemps.

Par ailleurs, penser qu'il est possible d'explorer de nouvelles pistes de prise en charge sans remettre en cause la Loi de 70 est une totale illusion.