Homophobie à la hongroise !

22 Juin 2021
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Le Fidesz, le parti du Premier ministre hongrois Viktor Orban, a déposé jeudi 10 juin des amendements législatifs visant à interdire la « promotion » de l’homosexualité ou du changement de sexe auprès des mineurs-es, selon un texte publié sur le site du Parlement hongrois. Cinq ONG, dont Amnesty International et Budapest Pride, ont aussitôt dénoncé, dans un communiqué, cette initiative du Fidesz qui a des allures de copier/coller d’une loi homophobe russe qui punit tout acte de prétendue « propagande » homosexuelle destinée aux plus jeunes. Dans la pratique, les programmes éducatifs ou les publicités de grands groupes solidaires des LGBTQI+, comme par exemple celle de Coca-Cola qui avait suscité en 2019 des appels au boycott, ne seraient plus autorisés, d’après le document de onze pages consulté par l’AFP.  Idem pour les livres sur le sujet, tels que le recueil de contes et légendes dédramatisant l’homosexualité qui s’était attiré les foudres du pouvoir à l’automne 2020. Si ces clauses sont adoptées, « la liberté d’expression et les droits des enfants se trouveraient sévèrement restreints », ont mis en garde les ONG, reprochant à la Hongrie de « copier des modèles dictatoriaux qui vont à l’encontre des valeurs européennes ». « Le gouvernement se tourne contre ses propres citoyens en suivant l’exemple de la Russie et de la Chine », ont-elles dénoncé. Les amendements concernés s’inscrivent dans le cadre d’un arsenal de mesures contre la pédophilie, qui n’a rien à voir avec l’homosexualité. C’est la pratique habituelle de l’amalgame pour susciter un soutien populaire. On met en avant la protection des enfants pour empêcher les adultes de vivre leur homosexualité, telle qu’ils l’entendent, un droit reconnu en Europe, dont la Hongrie est membre. Cette nouvelle offensive anti-LGBT intervient dans un contexte de durcissement de la politique de Viktor Orban, qui brandit haut et fort ce qu’il considère comme des valeurs chrétiennes traditionnelles et promeut une « nouvelle ère » culturelle. En décembre 2020, le Parlement a adopté un paquet législatif inscrivant la notion traditionnelle de la famille et du « genre » dans la Constitution et interdisant de facto l’adoption aux couples de même sexe. Interdite aussi, l'inscription du changement de sexe à l'Etat civil depuis décembre 2020. Les initiatives homophobes récentes sont contestées par une partie de la population. Plus de 5 000 Hongrois-es ont ainsi manifesté lundi 14 juin à Budapest contre cette future loi (adoptée le 15 juin par le Parlement) qui conduira à interdire la « représentation » de l’homosexualité et de la transidentité dans l’espace public. « Demain, lorsque les députés voteront, ils devront se souvenir qu'ils jouent avec la vie des gens dans le cadre de leurs cruelles campagnes politiques », a souligné déclaré Amnesty International, qui avait appelé à manifester, dans un communiqué. La Hongrie est membre de l'Union européenne (UE) depuis 2004, dont la charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Avant le retour au pouvoir de Viktor Orbán en 2010, la Hongrie était l'un des pays les plus progressistes de la région : l'homosexualité y avait été dépénalisée dès le début des années 1960 et l'union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996. L’Union européenne s’est dite (17 juin) « très préoccupée » par la nouvelle loi hongroise.  « Très préoccupés par la nouvelle loi en Hongrie. Nous examinons actuellement si elle enfreint la législation européenne », a d’ailleurs vite réagi sur Twitter Ursula von der Leyen La Commission européenne avait déjà annoncé plus tôt dans la journée qu’elle était en train d’analyser au niveau juridique ce texte initié par le parti du Premier ministre d’extrême droite Viktor Orban. « Ce que nous ferons va dépendre de ce que nous allons trouver, nous devons regarder sur quels aspects et points la législation respecte ou ne respecte pas la législation européenne, les principes de l’UE ou la Charte des droits fondamentaux », avait expliqué une porte-parole de la Commission, Dana Spinant. La Commission a rappelé qu’elle avait présenté en novembre une stratégie destinée à lutter contre les discriminations et la haine envers les personnes LGBT. « Je crois en une Europe qui embrasse la diversité, et non une Europe qui la cache à nos enfants. Personne ne devrait faire l’objet d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle », a expliqué Ursula von der Leyen sur Twitter. À Washington, une porte-parole du département d’État a dit l’« inquiétude » des autorités américaines pour « la liberté d’expression » et estimé que la loi hongroise établissait des restrictions qui « n’ont pas leur place dans une société démocratique ». La Hongrie, dirigée par Viktor Orban depuis 2010, a déjà accentué son offensive contre la communauté LGBT en décembre dernier, en inscrivant dans la Constitution la définition du sexe d’une personne comme étant uniquement celui de la naissance et en interdisant de facto l’adoption aux couples de même sexe. Membre depuis 2004 de l’UE dont la Charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, ce pays est régulièrement accusé par Bruxelles d’atteintes à l’État de droit. Il est visé depuis 2018 par une procédure - article 7 du traité - déclenchée par le Parlement européen pour « violation grave » des valeurs de l’UE, qui peut en théorie déboucher sur des sanctions, mais se trouve actuellement au point mort.

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«Les droits des personnes LGBTQ connaissent autant de reculs que d’avancées»

Le stade de Munich, théâtre du match Allemagne-Hongrie, n’affichera pas les couleurs du drapeau LGBTQ qui devait symboliser une opposition à une nouvelle loi hongroise jugée homophobe. En plein mois des fiertés, où en sont les droits de ces minorités? Réponses avec la professeure Lorena Parini

L’Allianz Arena de Munich aux couleurs du drapeau LGBTQI+ en janvier 2021. — © ANDREAS GEBERT (POOL VIA REUTERS)Publié mercredi 23 juin 2021 à 14:45 - Modifié mercredi 23 juin 2021 à 15:42 En ce mois des fiertés qui rend visibles les communautés LGBTQI+ à travers le monde, les polémiques ne sont jamais bien loin: aussi, le refus de l’UEFA d’illuminer le stade de Munich aux couleurs du drapeau arc-en-ciel durant le match Allemagne-Hongrie a déclenché de vives critiques et une grande vague de solidarité. Il s’agissait pour la ville de manifester son désaccord au sujet d'une nouvelle loi hongroise interdisant «la promotion de l’homosexualité» auprès des mineurs; une législation qualifiée de honteuse ce mercredi 23 juin par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Et ce n’est pas la première, une autre loi interdisant le changement de genre à l’état civil ayant été adoptée par le même pays en 2020.   

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ANTOINE GRIEZMANN RÉAGIT À LA POLÉMIQUE AUTOUR DU PROJET D'ILLUMINER LE STADE DE MUNICH AUX COULEURS LGBTAntoine Griezmann a tweeté une photo du stade de Munich aux couleurs LGBT. Antoine Griezmann a tweeté une photo du stade de Munich aux couleurs LGBT.[FRANCK FIFE / POOL / AFP]

Il a une nouvelle fois décidé de s'engager. Antoine Griezmann a apporté son soutien ce mardi sur Twitter à la communauté LGBT, après la polémique entourant le refus de l'UEFA d'autoriser la ville de Munich à éclairer son stade aux couleurs arc-en-ciel mercredi soir, à l'occasion du match de l'Euro 2021 entre l'Allemagne et la Hongrie.

La star de l'équipe de France, buteur contre la Hongrie samedi, a simplement tweeté une photo de l'Allianz Arena munichoise illuminée aux couleurs de la communauté LGBT. Une image accompagnée d'un emoji arc-en-ciel et d'un autre représentant un poing fermé, symbolisant la lutte. Un tweet «liké» plus de 110.000 fois et retweeté par plus de 17.000 internautes.

Une façon pour l'attaquant du FC Barcelone de blâmer, comme beaucoup d'autres personnalités et autres anonymes, la décision de l'UEFA, annoncée mardi, de refuser à Munich ce geste en faveur des LGBT, que l'instance a jugé «politique». Par cette initiative, la ville bavaroise souhaitait manifester son opposition à une loi, votée en Hongrie la semaine dernière, interdisant la «promotion» de l'homosexualité auprès des mineurs. Un texte durement critiqué au sein de l'Union européenne, car qualifié de discriminatoire.

UN ENGAGEMENT AFFIRMÉ

Ce n'est pas la première fois qu'Antoine Griezmann s'engage en faveur de la cause LGBT et contre l'homophobie. En mai 2019, il avait cassé les codes en s'affichant en Une du magazine gay Têtu, au-dessus de la citation «L'homophobie dans le foot, ça suffit !». La même année, il avait été l'un des rares footballeurs en activité à témoigner dans le documentaire «Footballeur et homosexuel, au cœur du tabou», réalisé par le footballeur amateur Yoann Lemaire et diffusé sur France 2. Il avait lancé un message de tolérance à l'adresse des joueurs gay. A la question «Et si un coéquipier faisait un coming out ?», le champion du monde français avait répondu : «Je l’encouragerais à être fier et heureux.»

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En dehors de cette cause, Antoine Griezmann s'est également positionné par le passé contre les violences policières, notamment après l'agression du producteur Michel Zecler par des policiers, et contre les violences faites aux femmes. Il a aussi rompu en décembre dernier son partenariat avec l'entreprise chinoise Huawei pour protester contre la persécution de la minorité ouïghoure au Xinjiang.