Indétectables mais pas invisibles

1 Janvier 2023
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Poids de la sérophobie oblige, rares sont les personnes vivant avec le VIH qui témoignent à visage découvert et encore plus rares les femmes vivant avec le VIH. Mais petit à petit, les choses changent. Preuve en est ce récent portfolio publié sur Médiapart le 30 novembre dernier. La photo reporter Isabelle Eshraghi s’est rendue à Bordeaux pour assister à une représentation de la pièce Encore Heureuses. Le projet a été lancé par Réseau Santé Marseille Sud, avec le Théâtre de l’Œuvre. Sarah, dramaturge du collectif Transbordeur, a mis en forme les récits, à partir des témoignages de quinze femmes vivant avec le VIH. Quatre d’entre elles les portent en scène, accompagnées d’un violoncelliste et de photos projetées de Clothilde Grandguillot. Julie, Nathalie, Viviane et Mary parlent de leurs propres histoires avec le VIH sur scène. Dans ce reportage, Isabelle Eshraghi propose 16 portraits de femmes concernées de près ou de loin par le VIH et rencontrées lors de son passage à Bordeaux. Il y a Mado, une femme qui vit avec le VIH depuis 33 ans, qui a eu un fils à 41 ans : « Mon enfant est le plus beau projet de ma vie ». Il y a Christiane, volontaire à AIDES Gironde : « On pourra avancer quand les gens concernés oseront parler. « VIH = mort » est encore dans l’imaginaire populaire, beaucoup sont restés sur cette image, alors qu’avec une hépatite, l’image est différente ». Il y a Nathalie, militante et patiente experte : « Act Up, ça a changé ma vie. Tu as vu le film 120 battements par minute ;  tu as un morceau de ma vie. C’est ce qui m’a sauvé ! On a fait des progrès, parce que les malades, on criait : « On crève ! Occupez-vous de nous. Donnez-nous notre chance ! ». Il y a Marie Zigoni, coordinatrice de Bordeaux Ville sans sida : « Je me faisais la réflexion, le VIH, je crois, c’est la seule maladie où l’on culpabilise la personne qui l’a, sous prétexte qu’elle a pris un risque. Une personne fumeuse qui a un cancer, personne ne va lui dire : tu l’as bien cherché. Sous prétexte que c’est le VIH, le regard de la société est très dur. Alors que c’est une maladie chronique et sous traitement, l’espérance de vie est normale ». Il y a Mojgan Hessamfar, une infectiologue qui milite pour que la Prep atteigne plus de femmes notamment dans le milieu libertin : « Je lui dis, il y a la Prep ! Et là, elle répond qu’elle n’en a jamais entendu parler. Elle repart, rassurée en me disant : « Bingo ! Je vais en parler à mes copines du club ! ». Il y a Régine, diagnostiquée séropositive en 1999 et qui prend aujourd’hui un traitement VIH injectable tous les deux mois : « Une nouvelle vie ! Adieu le semainier et tous les cachets. ». Tout comme Elma, originaire d’Angola : « Aujourd’hui, je ne prends plus les cachets. L’injection tous les deux mois, c’est mieux et ça m’aide beaucoup à oublier que j’ai une maladie… Je n’aime pas l’appeler maladie ! ». Il y a aussi Mary qui vit avec le VIH depuis 1986 ou encore Julie qui a découvert sa séropositivité en 2019. Des témoignages courageux, inspirants et incarnés.