Keith Haring s’expose à Bruxelles

6 Décembre 2019
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Décédé, il y a maintenant 30 ans, l’artiste américain Keith Haring est une légende de la peinture autant que de l’activisme contre le sida, des suites duquel il est décédé. Artiste urbain (il a beaucoup peint dans les rues, dans les couloirs du métro à New York, Keith Haring a décliné ses couleurs vives et contours noirs dans des affiches, des fresques murales et des installations pour dénoncer le racisme, l'homophobie ou encore l'armement nucléaire dans le New York des années 80. Son œuvre tout autant artistique que militante fait l’objet d’une rétrospective inédite pour les 30 ans de sa disparition à Bozar à Bruxelles. L’artiste fut l’ami et le collaborateur d’Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat. « Son travail, révélateur de son époque, s'exposait tant sur les murs de New York que dans les galeries. Il comblait ainsi le fossé entre la rue et le milieu de l'art », souligne le commissaire de l'exposition, Darren Pih. On pourra en juger avec ses affiches promouvant l'usage du préservatif alors que le virus du VIH fait des ravages parmi les jeunes homosexuels ou celles dénonçant l'apartheid en Afrique du Sud. Dans les années 80, New York était très exposée au racisme, aux injustices sociales, aux problèmes de logements... Keith Haring, lui-même issu d'une famille conservatrice, était ouvertement gay et a inscrit son parcours artistique dans cette confrontation et cette dénonciation des maux de la société. Bozar propose aux visiteurs-trices de découvrir au fil des salles d'exposition plus de 85 dessins, peintures, vidéos, collages, fresques murales et documents d'archives, notamment au cours de visites guidées non conventionnelles, rapporte l’agence d’infos Belga. Ainsi des personnalités telles que Rachael Agnes Moore, coordinatrice noire et bisexuelle de la RainbowHouse à Bruxelles, le graffeur bruxellois Dema ou encore la journaliste indépendante et fondatrice du Café Congo Gia Abrassart livreront leur lecture de l'œuvre de Keith Haring. « Le système artistique a toujours été ethnocentré et élitiste. En tant qu'institution publique, il est important de pouvoir offrir un autre regard sur l'art », commente Alberta Sessa, conservatrice en chef à Bozar. « Organiser cette rétrospective en Belgique était par ailleurs important car c'est un endroit où Keith Haring se sentait bien, en paix », rappelle Tamar Hemmes, commissaire adjointe du Tate Liverpool. La rétrospective, ponctuée de nombreux événements, se tiendra à Bozar du 6 décembre 2019 au 19 avril 2020. Elle mettra ensuite le cap sur la ville allemande d'Essen au musée Folkwang.

 

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Nuit espagnole par AbdessemedAdel AbdessemedChristophe Ono-dit-BiotNote moyenne : 5/5 (sur 2 notes)Résumé :Adel Abdessemed, l'un des plus audacieux artistes d'aujourd'hui, connu dans le monde entier pour sa liberté irréductible exercée contre tous les pouvoirs, reçoit une mystérieuse invitation à passer une nuit dans le musée Picasso, au coeur de l'exposition "Guernica" . Mais la toile mythique y sera absente. Peinte au lendemain des bombardements fascistes, qui le 26 avril 1937 ont réduit en cendres la ville basque, elle ne peut plus quitter l'Espagne.
Il sera accompagné d'un écrivain qui admire son travail, et a reçu la même invitation, sans plus d'explication. Il sera le "scribe" de l'artiste.

Le temps d'une nuit intense, sillonnée par les éclairs lancés par les oeuvres d'art, les confessions de l'artiste sur son travail et l'Algérie, et ses dessins au charbon, ils vont traverser le musée comme deux Orphée qui ne peuvent pas se retourner. Dans ce pas de deux sensuel et électrique, on ne sait plus qui manipule qui.Catalogue de l'exposition  Face à la polémique, Adel Abdessemed a-t-il eu raison de retirer sa vidéo de poulets en feu ?15/03/18 10h48De l'auto-censure, purement et simplement. L’artiste contemporain Adel Abdessemed a finalement plié sous la pression médiatique en retirant la vidéo "Printemps" de son exposition au MAC Lyon. Représentant des poulets en feu, cette œuvre a fait polémique sur les réseaux sociaux.

Le 11 mars, dès le deuxième jour de l’exposition L’Antidote au musée d’Art contemporain de Lyon, un visiteur interpelle indirectement les associations de protection animale sur Twitter, pointant du doigt la vidéo Printemps. Accompagnant son tweet (retiré depuis) d’une image de l’installation en question, laetaell écrivait "voilà ce qu’on peut voir en toute liberté au Musée d’Art contemporain de Lyon. Ceci n’est pas de l… "

Des effets spéciaux pour le cinéma

Et pour cause. Aussi directe que réaliste, la vidéo projetée simultanément sur trois écrans est pour le moins déstabilisante. Sur un mur en brique, une rangée des poulets, pendus par les pattes et alignés, prennent feu. Le son d’une volière affolée envahit l’espace l’exposition. Cette séance de torture animalière enflamme vite les réseaux sociaux. Le post de laetaell est partagé plus de 20 000 fois et visionné par des centaines de milliers de personnes.

 

 

Dans une lettre ouverte publiée par Le Figaro, l’artiste de 47 ans répond à ses détracteurs, expliquant qu’il n’a pas fait preuve de maltraitance animale et que la vidéo Printemps a été produite en utilisant un gel spécial "avec une équipe de techniciens créateurs d'effets spéciaux pour le cinéma, qui utilisent couramment ce produit pour créer des effets de flammes et d'incendie qui sont sans danger." L’artiste avait déjà choisi ce procédé pour son œuvre Je suis innocent, le représentant en train de prendre feu. "Le feu est un artifice, il n'a pas plus brûlé les coqs que moi-même ", poursuivait l’artiste.

“En tant qu'artiste, c'est un peu la Nuit de Cristal”

Abel Abdessemed avait déjà suscité la polémique, en 2008 et 2009 à Turin et San Francisco, lorsque avait été projetée sa vidéo Don’t Trust Me, documentant cette fois-ci l’abattage "réel" d’animaux dans une ferme mexicaine. Cette lettre ouverte était également l’occasion pour cet artiste, connu pour ses productions violentes et agressives, de revenir sur les motivations de son travail: "On m'accuse parfois d'être violent et sanguinaire car je montre et je dénonce cette violence qui est autour de nous mais personne n'a eu le courage de voir mon travail de près ou d'écouter ma pensée."

Quoique défendant son travail ici, Adel Abdessemed aura finalement cédé à la pression des réseaux sociaux. Il affirmait hier au Figaro  avoir décidé de retirer cette vidéo "parce qu'on ne parle plus que de ça." Il poursuivait : "En tant qu'artiste, c'est un peu la Nuit de Cristal. La censure qui empêche de dire et qui décide comment on peut et doit dire. Qu'aura-t-on le droit de dire et de montrer demain ? En tant qu'artiste pourtant, c'est aussi un triomphe. Puisqu'une une œuvre fictive, simulée et symbolique, suffit à créer la tempête."

La fuite d’Adel Abdessemed

Cette affaire démontre encore le pouvoir des réseaux sociaux : la vidéo a été retirée en réaction aux indignations de ceux qui se sont manifestés, mais qu’en est-il de l’avis de ceux qui ne souhaitent pas voir cette vidéo censurée ? Qui aujourd’hui "fait la loi" ? Printemps avait d’ailleurs été exposé en 2013, sans susciter la polémique…

Les détracteurs d'Adel Abdessemed pensent-ils également qu’il faille interdire les scènes d’une violence extrême au cinéma ? On peut approuver ou non le travail de cet artiste, approuver ou non la qualité artistique, le bien-fondé de cette vidéo (réalisée sans souffrance animale mais instrumentalisant tout de même des poulets comme des objets) ; mais si Adel Abdessemed s’insurgeait vraiment contre la censure, ne fait-il pas ici preuve de contradiction en cédant à la pression ? Comparer les attaques dont il a fait l’objet à la Nuit de Cristal apparaît de ce point de vue assez maladroit. Personne ne semble l’avoir contraint à retirer cette vidéo. Un artiste ne devrait-il pas résister à la censure évoquée par l’artiste, celle "qui empêche de dire et qui décide comment on peut et doit dire"?

Cet épisode a peut-être néanmoins le mérite de poser la sempiternelle question de savoir jusqu’où l’art peut aller pour signifier et interroger le monde. Car le spectre de la censure plane actuellement sur les artistes contemporains, exposés plus que jamais au déchaînement médiatique, dans une époque où chacun peut y aller de son petit commentaire. Les artistes devraient justement combattre la censure, au risque, faute de quoi, de proposer des œuvres consensuelles. L’art contemporain ne doit pas fuir le conflit, il est inhérent aux propositions d’un artiste comme à la démocratie. Sans friction ni débats, la démocratie et son corollaire, l’art contemporain, sont malades.

 

Résultat de recherche d'images pour "adel abdessemed zidane"        Un détail de l\'oeuvre monumentale \"Shams\"   

Portrait de jl06

PORTRAITADEL ABDESSEMED, DIONYSOS RETROUVÉPar Luc Le Vaillant photo Frédéric Stucin pour «Libération»— 30 septembre 2019 à 17:46         Photo Frédéric Stucin pour «Libération» L’artiste contemporain se confronte au «Guernica» de Picasso et détaille son rapport à la guerre et à la mort, au sang et au vin, au nu et au plaisir.

Il a prénommé sa fille Ksu en hommage au prince berbère qui s’était opposé à la conquête du Maghreb par les fidèles d’Allah. Le combat avait été sanglant : «L’islam n’est pas venu avec du miel, mais avec une hache.» Avant de faire porter ce poids à son aînée, le géniteur belliqueux avait quand même demandé son avis à sa femme, lyonnaise d’origine.

Adel Abdessemed a quitté l’Algérie quand il avait 23 ans. On était dans les années 90 et les fondamentalistes s’opposaient aux militaires, en une guerre civile débilitante. Il étudiait aux Beaux-Arts, était tout feu, tout flamme. Il se souvient : «J’étais redoutable, j’étais virulent, je ne connaissais pas la peur.» Mécréant ludique et fêtard démocratique, il prenait avec ardeur la parole en public. Les barbus commençaient à imposer leur moralisme censeur. Il devenait difficile de dessiner des femmes déshabillées. Il s’en désolait : «Le nu est l’école de la liberté.» Trois jours durant, les petits soldats du GIA l’ont séquestré. «Ils voulaient que nous entrions dans leurs rangs, sinon ils menaçaient de nous décapiter.» Lui s’en est sorti quand le directeur des Beaux-Arts a été tué. Il est parti sans se retourner. Il dit : «Je n’ai aucune nostalgie d’un pays qui a cherché à m’ôter la vie.» Et se fiche des fatwas qui lui dégringolent sur le râble.

 

Il est devenu un artiste d’envergure qui réfléchit sur la violence trépanante et la pulsion de mort. Adel, qui signifie «le juste» en arabe, s’intéresse à Abel, le meurtrier originel. Ses installations, ses sculptures et ses vidéos convoquent force brute, clarté de la démonstration et humour équivoque. Kamel Mennour l’a exposé, François Pinault le collectionne, et il est depuis peu membre du conseil d’administration du centre Pompidou. Il était le fils d’un champion de tir, policier formé par le KGB. Il a troqué la masure des Aurès pour un immeuble entier au cœur du Paris bobo. Ses cinq enfants, d’abord quatre filles puis un benjamin masculin, y circulent en furets curieux et enjoués, passant du logis familial à l’atelier.

Jamais Abdessemed ne retourne en Algérie. Il dit : «Je n’y ai jamais été exposé. Je n’ai jamais été invité.» Celui qui se définit «comme un Berbère de nationalité française», carte d’identité obtenue sous Chirac, se réjouit des évolutions de la situation là-bas. Mais il reste prudent, confessant son éloignement du centre des débats. Et s’en remettant aux avis de son ami Kamel Daoud, penseur et chroniqueur qui vit toujours à Oran. Il admire sa capacité «à maîtriser sa colère» quand il se sait fulminant et inflammable. Et puis il a pris du champ et n’entend pas revenir hanter les palais ruinés de son passé perdu.

Abdessemed se lève à 4 heures du matin et fait la sieste. L’an dernier, il s’est enfermé une nuit durant au musée Picasso. Il était accompagné par Christophe Ono-dit-Biot, romancier et journaliste. L’artiste avait pensé au vin, le scribe au jambon Bellota. Cela a donné une rencontre dionysiaque et un livre jubilatoire. Ils étaient à la recherche de l’esprit de Guernica, œuvre de propagande antifasciste réalisée par un Espagnol d’origine. L’homme au stylo trouvait que Picasso avait mis du temps à s’engager contre le franquisme. L’homme aux fusains charbonneux et aux pinceaux sombres avait confiance dans l’énergie briseuse d’os du minotaure chauve, prompt à disséquer son désir et à dissiper ses plaisirs.

 

Ono-dit-Biot raconte bien Abdessemed. Malgré l’assommoir de l’alcool et le dictaphone tombé dans un verre plein, il a recueilli précisément ses propos. Il en fait un personnage flamboyant qui, à l’aube, laisse sa marque sur les murs du musée et repeint en noir la chemise et le visage de son interlocuteur. Alors croisons les sensations et les impressions, tout en faisant référence aux œuvres de ce patachon pas du tout cornichon.

AA a une tête de faune. On comprend volontiers qu’il ait eu envie de mettre sa bonne bouille dans une gueule de lion, tant sa jovialité est à la fois guerrière et risque-tout. On verrait bien ce lutin judoka mettre un coup de boule à la Zidane aux mentons avantageux des injurieux, acte de rétorsion qu’il a sculpté bien plus grand que nature. Et on imagine parfaitement cet amateur de poésie et de philo, qui lit Nietzsche et Derrida et s’amuse à attribuer à Maïakovski des citations de son cru, s’immoler en pleine rue. Il resterait bras croisés, sans bouger un cil, affirmant : «Je suis innocent», avant bien sûr d’en réchapper.

Le cheveu est très noir, malgré les brûlures d’un exil cendré qui était aussi un exit désiré. Ce mot-valise a cessé de clignoter dans sa vie, à l’inverse de ces enseignes lumineuses qui marquent les sorties de secours et qu’il a mises en scène. Ce qui prouve que l’identité n’est pas forcément malheureuse si on sait se défroquer et aller se rhabiller. CODB : «Il déteste parler du passé.» Les sandales d’AA sont spartiates même si, dans son bureau-bibliothèque, les immenses baffles cracheurs de musique sont rutilants de modernité. CODB : «Il ne thésaurise pas. C’est le contraire d’un radin. Il est moins patriarche que grand seigneur. Il aime les soirées orgiaques où se croisent toutes les disciplines comme dans un phalanstère surréaliste.» Pour ses invités, AA masse le gigot avant de le faire braiser et débouche des bordeaux maïeutiques, d’une cuvée intitulée… Socrate.

 

Le rire de cet ex-dyslexique qui fabrique des images est sardonique. AA en rajoute : «Satanique.» Il est aussi un dieu Pan à flûte phallique faisant applaudir les amants nus baisant publiquement ou détricotant fil à fil la robe noire de femmes voilées, le tout filmé avec la complicité de Julie, son épouse et mère de ses enfants. CODB surligne : «C’est un païen qui déteste les monothéismes.» Et poursuit : «Il ne supporte pas l’interdit.» Puis nuance : «Il rit trop fort, comme s’il fallait conjurer quelque chose.» AA confirme : «J’ai transformé mes larmes en rires.»

S’il était un animal, AA ne serait pas un des poulets qu’il a faussement grillés dans une vidéo. Cela lui a valu les foudres des antispécistes et, surtout, le lâchage du musée l’exposant. Le courage ayant désormais la franchise d’un âne qui recule… Il se réjouit de bientôt réaliser les décors d’un opéra d’Olivier Messiaen sur saint François d’Assise, ami des bêtes s’il en fut. Surtout, AA se voudrait chouette qui voit dans la nuit ce que l’humanité se cache à elle-même.

Fatigué de ces zoophilies, on peut préférer l’imaginer carlingue tourmentée, entrelacée à la carcasse d’avion jumelle. Dans cette installation réalisée par AA, c’est comme si les deux volatiles d’acier s’étaient échoués après avoir trop joué à la bête à deux dos dans le ciel étoilé où il n’y a plus personne, ni dieu ni maître.

 

1937 Création de Guernica par Picasso. 2 mars 1971 Naissance à Constantine (Algérie). 2018 Retrait de Printemps du musée d’Art contemporain de Lyon. 2 octobre 2019 Nuit espagnole (Stock).

 

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Soldaten - Adel Abdessemed

 

56e Biennale de Venise – All the World’s Future - Adel Abdessemed

 

 

Décor - Adel Abdessemed

 

 

Dead or Alive - Adel Abdessemed

 

Practice Zero Tolerance - Adel Abdessemed

 

15ème Biennale d’Istanbul - Adel Abdessemed

 

Retour à Berratham - Adel Abdessemed