La CPAM s'acharne

30 Mars 2022
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À trois reprises, entre février et avril 2021, la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Roubaix-Tourcoing a refusé, via son médecin conseil, de prendre en charge une opération d’augmentation mammaire concernant une femme trans, explique (22 mars) Le Quotidien du Médecin. Cette dernière, Capucine Hasbroucq,  a « essuyé trois fins de non-recevoir de la part de la CPAM du Nord, émettant un avis défavorable quant au remboursement de sa mammoplastie bilatérale. Et ce, malgré la prescription de son médecin traitant, les certificats fournis par le CHU de Lille (service de chirurgie plastique et reconstructive) et son affection de longue durée ». Capucine Hasbroucq a entamé une transition médicale depuis près de cinq ans. Suite à ces refus, elle choisit de porter l’affaire devant le tribunal judiciaire de Lille. Fin février 2022, les juges ont finalement débouté la CPAM et lui ont donné raison. Et le journal médical d’expliquer qu’en refusant le remboursement de cette intervention, la caisse primaire d’assurance maladie a appliqué « une différence de traitement avec une femme cisgenre, discriminatoire au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme comme de nature à créer une inégalité de traitement en matière d’accès à la santé en fonction de l’identité de genre », a tranché le tribunal. Dans son article très complet, Le Quotidien du Médecin explique d’où vient le problème. Pour Capucine Hasbroucq, sa demande relève de la nomenclature des actes. Par ailleurs, elle considère qu’être une femme trans ne justifie en rien une telle exclusion de prise en charge. Devant le tribunal, la défense de la CPAM a expliqué que son refus était motivé par l’absence de certificats qu’elle exigeait, s’appuyant sur un protocole de la Haute autorité de Santé daté de 1989. Le tribunal a, lui, considéré qu’« aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit la prise en charge financière par les organismes de Sécurité sociale d’acte médicaux » réalisé chez les patients-es trans. Deux conditions sont nécessaires au remboursement : le caractère thérapeutique de l’opération et l’inscription à la nomenclature des actes. Le tribunal de Lille estime que « le protocole appliqué par la caisse a, pour effet, d’ajouter une condition supplémentaire à la prise en charge d’opérations chirurgicales privant les personnes transgenres de soins nécessaires à une transition dont le caractère thérapeutique est justifié en l’espèce ». Le tribunal judiciaire impose ainsi à la CPAM de Roubaix-Tourcoing de prendre en charge l’intervention chirurgicale sans délais, mais aussi de verser des dommages et intérêts à la plaignante, explique le journal médical. Les juges ajoutent un autre dommage en expliquant qu’« imposer des conditions de prise en charge issues d’un protocole rédigé il y a plus de 30 ans » constitue un préjudice moral qu’il « convient de réparer ».