La Tunisie pourrait sortir de la loi 52

4 Mars 2017
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Un moratoire — mais pas tout à fait non plus — sur les poursuites pénales et carcérales à l’encontre des personnes consommatrices de cannabis, c’est ce qu’a proposé le président tunisien Béji Caïd Essebsi lors d’une interview télévisée (19 février). Le chef de l’Etat s’était engagé lors de la campagne électorale de 2014 à revoir la loi 52 qui pénalise les personnes consommatrices de drogues. Un projet de loi a été proposé en ce sens à l’Assemblée des représentants du peuple où il est bloqué. "Certains élus de Nidaa Tounes et d’Ennahdha campent sur des positions répressives sans fondement, les jeunes fumeurs de joints jetés en prison se retrouvant en contact avec toutes sortes de délinquants et d’extrémistes religieux", explique d’ailleurs l’hebdomadaire "Jeune Afrique" (20 février). Faute de trouver un consensus politique qui permettrait de sortir de cette impasse, le président joue l’apaisement en demandant une suspension des arrestations. La loi 52 est un héritage de la dictature de Ben Ali. Elle est particulièrement sévère : elle condamne à un minimum d’un an de prison et à une amende de 1 000 dinars toute personne arrêtée dont le test d’urine est positif à la consommation de stupéfiants et interdit aux magistrats de tenir compte de circonstances atténuantes. Comme le rappelle "Jeune Afrique", la conséquence directe est que pas moins de 8 000 personnes sont en détention, en majorité des jeunes, et purgent leur peine pour avoir fumé un joint. "Le cannabis est une chose et les drogues, c’en est une autre. Un an d’emprisonnement, c’est trop, et je me suis engagé à présenter un nouveau projet de loi pour préserver les jeunes", a précisé Béji Caïd Essebsi. En attendant le déblocage à l’Assemblée des représentants du peuple, le président compte s’appuyer sur le Conseil national de sécurité, qui réunit le chef du gouvernement, le président de l’ARP, les ministres de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice pour la mise en place effective d’une sorte de moratoire qui n’en est pas tout à fait un, plutôt une voie alternative à la loi, en attendant une nouvelle loi. Si la position de Béji Caïd Essebsi sur l’usage de cannabis s’assouplit dans le bon sens, il n’en va pas de même avec l'article 230 du Code pénal tunisien qui sanctionne l’homosexualité entre personnes adultes consentantes jusqu'à trois ans de prison. Rappelons aussi que la police pratique toujours les tests anaux via la médecine légale à l'encontre de personnes suspectées d’être homosexuelles. Une partie de la société civile s'active courageusement pour que ces méthodes dégradantes et contraires aux droits humains disparaissent, mais cela ne semble pas la priorité du gouvernement tunisien de mettre fin à cette pratique moyenâgeuse et de dépénaliser l’homosexualité. Le président tunisien a promis dans un futur proche l'élaboration d'un code des libertés individuelles. Les militantes et militants des droits des personnes LGBT ont sans doute une carte à jouer, mais si la partie ne sera pas facile.