Le monde divisé sur l'hydroxychloroquine

5 Juin 2020
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Bannie par certains pays, promue par d'autres : la planète est plus que jamais divisée sur l'utilisation de l'hydroxychloroquine pour traiter le Covdi-19. Une étude, publiée le 22 mai dans la revue scientifique The Lancet, a conclu que l'hydroxychloroquine (HCQ) n'est pas efficace contre le Covid-19 et qu'elle augmente même le risque de décès et d'arythmie cardiaque. Sa méthodologie a toutefois été remise en cause par une partie de la communauté scientifique, tout comme l'avaient été les méthodologies de précédentes études louant son efficacité. Les résultats de l'étude publiée dans The Lancet, ont poussé de nombreux pays à arrêter l'utilisation de la molécule, au premier rang desquels la France, où la décision a été prise le 27 mai d'abroger la dérogation qui permettait depuis fin mars aux hôpitaux de prescrire ce médicament à des patients-es gravement atteints-es. D'autres pays, comme l'Italie, l'Égypte, la Tunisie, la Colombie, le Chili, le Salvador, le Cap-Vert, l'Albanie ou la Bosnie-Herzégovine, ont également suspendu la prescription d'hydroxychloroquine aux patients-es Covid-19. En Italie toutefois, son administration reste possible dans le cadre d'essais cliniques, précise l'AFP. De son côté, la Hongrie n'utilise plus la molécule « pour les nouveaux patients », tout en continuant le traitement de « ceux qui avaient déjà commencé à le prendre », selon un porte-parole du gouvernement. Certains pays avaient déjà cessé de prescrire l'hydroxychloroquine aux patients-es Covid-19 avant l'étude. La Suède, qui l'utilisait à l'hôpital pour traiter les formes sévères de la maladie, a arrêté, fin avril, après que l'agence européenne du médicament eut recommandé de ne l'administrer que dans le cadre d'essais cliniques. Le gouvernement allemand estime également que « les études actuelles ne permettent pas pour le moment un traitement ordinaire de patients-es atteints-es du Covid-19 avec de la chloroquine ou de l'hydroxychloroquine, hors essais cliniques ». D'autres pays font le choix inverse. C'est le cas du Brésil, de l'Algérie, du Maroc, de la Turquie, de la Jordanie, de la Thaïlande, de la Roumanie, du Portugal, du Kenya, du Sénégal, du Tchad ou encore du Congo-Brazzaville. « Nous avons traité des milliers de cas avec ce médicament avec beaucoup de succès à ce jour. Et nous n'avons pas noté de réactions indésirables », a déclaré à l'AFP le docteur Mohamed Bekkat, membre du Comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie en Algérie. Selon lui, l'étude publiée dans The Lancet « prête à confusion car elle semble concerner des cas graves pour lesquels l'hydroxychloroquine n'est d'aucun secours », alors que la molécule « s'est révélée efficace quand elle est utilisée précocement ». La Russie, Bahreïn, le sultanat d'Oman et les Émirats arabes unis n'ont pas non plus, pour l'heure, suspendu son utilisation. En Iran, des messages postés récemment sur les réseaux sociaux par des patients-es montrent que la molécule continue d'y être prescrite, indique l'AFP L'Inde et le Venezuela continuent quant à eux un usage prophylactique (en prévention) de l'hydroxychloroquine. Les autorités sanitaires indiennes assurent n'avoir détecté « aucun effet secondaire majeur ». De son côté, Cuba continue d'utiliser l'hydroxychloroquine, mais va réviser ses protocoles pour introduire des précautions supplémentaires. Aux États-Unis, l'hydroxychloroquine ne peut en principe être administrée à des patients-es Covid-19 qu'à l'hôpital, mais l'agence du médicament (FDA) mettait en garde dès avril contre des risques d'arythmie cardiaque. Fervent défenseur de la molécule, Donald Trump a assuré qu'il en prenait quotidiennement à titre préventif, avant d'annoncer peu après la publication de l'étude du Lancet avoir arrêté. La Maison Blanche a quand même annoncé l'envoi au Brésil de deux millions de doses d'hydroxychloroquine pour lutter contre le cornavirus. La publication des résultats de l'étude dans The Lancet a provoqué la suspension de nombreux essais cliniques, à commencer par le bras prenant l'hydroxychloroquine des programmes Solidarity (OMS) dont Discovery (Europe, coordonné par l'Inserm), qui ont arrêté d'inclure de nouveaux patients-es. Suspension également de l'essai international Copcov administrant des doses d'hydroxychloroquine à des membres du personnel soignant au contact du coronavirus, de deux essais menés par la clinique universitaire de Tübingen (Allemagne) et de cinq essais au Danemark. Le Mali s'est également dit prêt à suspendre ses essais cliniques. Mais d'autres essais se poursuivent, comme Recovery (Royaume-Uni). Se basant sur leurs propres données de mortalité, ses responsables estiment qu'il n'existe « pas de raison convaincante de suspendre le recrutement pour des raisons de sécurité ». D'autres essais menés au Canada, au Nigeria ou au Mexique se poursuivent également. « Il y a des données qui prouvent que l'hydroxychloroquine a fonctionné pour de nombreux patients-es. C'est pourquoi nous allons continuer », a déclaré la professeure Mojisola Adeyeye, qui dirige au Nigeria l'agence du médicament. En Chine, berceau de la pandémie, l'hydroxychloroquine reste uniquement utilisée dans le cadre d'essais cliniques.