Le temps de la consultation

17 Octobre 2017
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Le facteur temps joue en santé un rôle majeur et c’est à la fois la durée de la consultation comme le laps de temps qui sépare deux consultations qui comptent. Très souvent, les personnes suivies pour le VIH constatent que la durée de consultation chez l'infectiologue est souvent réduite au commentaire des résultats biologiques, à l’orientation vers un autre médecin en cas de besoin, le tout plié en quelques minutes. Les experts recommandent pourtant d’accorder du temps à la consultation et insistent sur une prise en charge globale qui comprenne l’ensemble des paramètres : biologiques, cliniques, psychiques, sociaux… qu’on peut rarement aborder en dix minutes chrono. Le temps entre les consultations varie également. Désormais, si tout va bien, le médecin hospitalier propose une visite tous les six mois voire annuelle, et, selon besoins, consultations chez le médecin traitant ou suivi à distance par mail ou via une application avec son spécialiste, par exemple pour renouveler une ordonnance. Un récent projet européen vient d’ailleurs d’être lancé pour des consultations à distance via une application sur un portable. Nouveaux outils, nouvelles recommandations d’experts, contraintes techniques et financières… tout cela à un impact sur le temps des consultations et leur rythme. Comment gérer vous votre temps de consultation, le préparez-vous à l'avance ? Avez-vous le nombre de consultations et le temps nécessaire à chaque fois ? C’est autour de ces questions qu'on vous propose d’échanger mardi 17 octobre pendant le chat thématique, à partir de 21 heures, en compagnie de Diane-Seronet.

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Portrait de Diane-seronet

Mardi 17 octobre, 10 séronautes se sont retrouvé pour échanger autour du temps de la consultation : durée, fréquence, contenu, possibilité de consulter à distance par téléphone… Les participant-e-s ont partagé leurs vécus et préférences.

De 10 minutes pour les un-e-s à une heure pour d’autres, tous les mois ou deux fois par an, tou-te-s les séronautes n’ont pas les mêmes expériences ni les mêmes attentes par rapport aux consultations avec leur infectiologue

Une durée à adapter ?

Pour un premier séronaute, « parfois on a besoin de parler avec son infectio d’autre chose que le VIH, de rentrer dans des sujets plus personnels… C’est pas combien de temps ça devrait durer, mais surtout ne pas être expédié. Parfois t’as pas non plus envie de t’étendre donc c’est au feeling. Mes rdv infectio c’est devenu une routine sauf quand tu as un changement, ou un événement important, dans ta vie, malgré la routine. Et le mental a son importance sur le corps, donc sur les résultats… On peut être amené à parler de sa vie privée pour expliquer une baisse de forme ou même de T4». Un second lui oppose que « là c’est plus le rôle d’un-e psy », d’ailleurs, lui préfère une version abrégée de la consultation : « mes rdv infectio durent le moins longtemps possible, [mes problèmes personnels] je n’en parle pas à mon infectio, ce n’est pas son rôle pour moi. J’y trouve écoute etc, mais depuis 1997, disons que je connais assez bien… »

Un point de vue que ne partage pas un autre participant, qui estime que les temps de consultation sont trop courts, et les sujets abordés trop restreints.« Il faut voir les rdv toutes les 20 minutes donc c’est impossible de rester longtemps avec un-e patient-e qui a des problèmes, sans raccourcir la consultation avec les patient-e-s qui vont très bien, ou alors prendre un tel retard sur les horaires que les patient-e-s attendent des heures, ce que je déteste, ou que ça se termine à minuit…donc mes consultations hôpital durent environ 15 minutes, je crois que la dernière fois on ne m’a même pas pris la tension. Les médecins ne s’intéressent pas trop à la nutrition et à la psychologie (du moins j’en ai jamais rencontré), la consultation se limite à la lecture des résultats de l’analyse, et encore, rapidement balayée puisqu’apparemment tout va bien… Ah si, parfois il me demande si je fais du sport, ou me redemande pour la ixième fois si je fume et je bois de l’alcool. Donc les médecins qui voient des centaines de patient-e-s ne peuvent pas se souvenir de tout sauf à relire le dossier, ce qu’ils ne font apparemment jamais, c’est moi qui lui rappelle « ça doit être dans le dossier, non ? » Ce que je sens à l’hôpital, c’est qu’ils ont trop de patient-e-s à voir, c’est l’usine, d’où les consultations courtes quand ça va bien, et l’alternance avec le/la généraliste, mais ça doit dépendre des régions et des médecins. Après, si mon médecin me posait des questions qui ne me plaisent pas, je ne répondrais rien, donc j’ai aussi envie que la consultation ne dure pas trop longtemps, si je n’ai pas de question perso. ».

Un autre participant dénonce aussi avec force le peu de temps passé par  certain-e-s de ces spécialistes avec leur patientèle : « Moi ça se passait tellement vite que je n’y suis pas retourné depuis début 2012, plus de 5 ans… Au moins ça c’est réduit au strict minimum, je dois y retourner un de ces jours… Je vois avec le médecin en ville, où c’est parfois tout aussi vite expédié. Pour l’infectio quand j’appelle en juillet on me propose un rdv le 5 janvier l’année suivante… alors ça me gonfle et je ne prends pas le rdv.

Ça dépend des individu-e-s, ça dépend du moment dans la vie (il y a des hauts et des bas), ça dépens si tu es jeune ou ancien-ne séropositif-ve, pour certain-e-s ça va bien tant mieux ! ». On voit donc que pour certaines personnes, le manque de disponibilité des infectiologues peut rebuter, jusqu’à délaisser son parcours de santé.

Plus c’est long plus c’est bon ?

Il faudrait donc forcément passer du temps pour avoir un rapport qualitatif ? Pas si sûr si l’on en croit le témoignage d’un autre séronaute : « moi la consultation dure moins de 10 minutes, prise de tension, discussion sur la vie en général, le travail, la vie amoureuse, commentaire de mes analyses et au revoir, à dans 6 mois. Moi personnellement je préfère aller le moins possible à l’hôpital car ça me renvoie à mon statut du VIH, mais à part l’hôpital il m’arrive d’oublier que je suis malade, absorbé par les préoccupations du quotidien… J’ai le même docteur depuis 2002, il sait tout de moi, on parle de tout. Franchement moi je ne me plains pas, je reçois un SMS de rappel et je peux aborder tous les sujets, mes craintes, appréhensions, problèmes amoureux, il me parle comme un aîné et pour la médecine c’est le docteur qui répond, pour faire ce métier de docteur il faut aimer les gens et je pense que ce n’est pas souvent le cas… ».

Une participante apporte un avis également nuancé « Je pense que la fréquence des consultations dépend de l’état de la personne. Maintenant, c’est vrai que le rapport médecin/patient-e est important. En ce qui me concerne, je suis sous traitement depuis un peu plus de 4 mois, donc je pense que c’est normal que la consultation dure longtemps… La dernière fois le toubib m’a même accompagnée au service radiologie, j’ai trouvé ça vraiment sympa. »

Au delà de la durée temps de la consultation, il semblerait bien que ce soit aussi la façon dont elle est menée qui puisse faire la différence pour les patient-e-s.

« En consultation la semaine dernière, 25 minutes montre en main, quelques soucis à aborder mais ça s’arrête là pour lui car mon bilan biologique est bon, pour le reste il me renvoie vers mon médecin traitant. Ma généraliste, j’attends toujours un rdv mais en général elle me renvoie vers l’infectio, elle connaît rien au VIH… Ça ne me dérange pas spécialement mais je trouve qu’il y a un manque d’écoute ». Un-e autre séronaute raconte « consultation avec ma médecin de l’hôpital on ne reste pas plus d’un quart d’heure dans son cabinet, pour me dire que tout va bien, elle fait mon ordonnance pour 6 mois et prise de sang elle se prend pas la tête ». Ainsi l’écoute, l’attention, l’accompagnement de la part du/de la/des médecin-s sont réclamés par plusieurs participant-e-s, et ne sont pas toujours facilités par les contraintes horaires.

Pour ce qui est de la fréquence des rendez-vous, elle a été décidée par l’infectiologue pour l’immense majorité des participant-e-s, que cela soit tous les mois, tous les 4 mois, tous les 6 mois ou même tous les 8 mois. En général, ils et elles la respectent « certes si je demandais à être vu 1 mois plus tard, ce serait pris en considération… mais j’ai pris l’habitude d’y aller tous les trois mois, ça ne me gène plus les rdv à l’hôpital, c’est devenu une routine. Le plus important, c’est de pouvoir être suivi-e au rythme qu’on désire. »

Le téléphone pleure

Questionné-e-s sur l’éventualité de consultations à distance, par téléphone ou via Internet (Skype, etc.), les séronautes sont partagé-e-s. Un premier s’y montre plutôt très favorable : « les consultations au téléphone, j’aime bien aussi, ça évite les files d’attente, ça évite les déplacements, je ne vois vraiment plus le sens d’être présent physiquement à ces consultations ». Une autre nuance : l’intérêt des consultations à distance dépend aussi de la fréquence des rendez-vous en présentiel « J’ai annulé la consultation le mois dernier. Le toubib m’a rappelée personnellement pour prendre de mes nouvelles, sympa ! J’ai du faire des analyses ici en demandant qu’ils m’envoient les résultats. Comme je le vois souvent c’est un peu pareil par tel… le trajet en moins ! Je le vois tous les mois, je l’aime bien mais un coup de tel peut suffire de temps en temps. »

Mais plusieurs participant-e-s ne voient pas d’un très bon œil cette idée, « je préfère voir un-e médecin en chair et en os » déclare l’un, « par téléphone je ne sais pas si ça me plairait, c’est un truc pour les anxieux. Ça passe mal dans mon appart, faudrait que j’aille dehors sur le trottoir et si la consultation c’est le soir en hiver, à 18h par temps de neige je risque de m’enrhumer » s’inquiète un autre non sans humour…  Enfin, le bon sens a le mot de la fin : « la vérification des fonctions respiratoires, de la tension, surveiller s’il n’y a pas de souci dermatologique. pas facile au tel ! Certes si tu peux te limiter à un « allo, vous n’avez pas de souci particulier ? Ok alors je vous envoie votre ordo… à la prochaine » cool. Chacun-e a sa vision de son suivi, en fonction de ses ressentis. »