Libertés : Le DDD inquiet

25 Mars 2019
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Comme chaque année, le Défenseur des droits (DDD), Jacques Toubon, publie le rapport d’activité de l’institution qu’il dirige. Un rapport direct dans le ton, sourcilleux du vivre ensemble et qui montre bien l’importance que le DDD attache à son indépendance. Des étrangers-ères au mouvement des gilets jaunes en passant par la lutte antiterroriste, le Défenseur des droits pointe, dans son rapport annuel, un « renforcement (...) de la répression » en France et s'inquiète d'un « affaissement » des libertés inspiré par l'état d'urgence de 2015. « En France, (...) s'est implantée une politique de renforcement de la sécurité et de la répression face à la menace terroriste, aux troubles sociaux et à la crainte d'une crise migratoire alimentée par le repli sur soi », pointe cette autorité indépendante chargée notamment de défendre les citoyens-nes face à l'administration. « Nous sommes dans un pays crispé », explique-t-il d’ailleurs dans une interview au Parisien. Dans son rapport 2018, qui couvre la période d'éclosion du mouvement des Gilets jaunes, le DDD s’interroge notamment sur le nombre « jamais vu » d'interpellations et de gardes à vue intervenues « de manière préventive », lors de certaines manifestations. Selon ce rapport, les directives des autorités pour gérer la contestation sociale « semblent s'inscrire dans la continuité des mesures de l'état d'urgence », décrété après les attentats du 13 novembre 2015. Ce régime d'exception, resté en vigueur pendant deux ans et dont certaines dispositions ont été conservées dans la loi, a agi comme une « pilule empoisonnée » venue « contaminer progressivement le droit commun, fragilisant l'État de droit », estime le rapport. Pour Jacques Toubon, il a « contribué à poser les bases d'un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion, au sein duquel les droits et libertés fondamentales connaissent une certaine forme d'affaissement ». La critique est forte. Cette logique sécuritaire imprègne également le droit des étrangers, selon le rapport du Défenseur qui estime que la France mène « une politique essentiellement fondée sur la « police des étrangers », reflétant une forme de « criminalisation des migrations ». Là encore, la critique est virulente, mais dans l’esprit des avis que le Défenseur des droits a régulièrement publié, notamment sur la loi Asile Immigration. En 2018, ce sont les réclamations liées aux services publics qui ont le plus occupé les services du Défenseur des droits : elles représentent 93 % des dossiers traités par une institution toujours plus sollicitée. Avec 96 000 dossiers en 2018, le Défenseur des droits a vu les réclamations augmenter de 6,1 % en un an. Retards dans le versement de certaines retraites, suppression du guichet dans les préfectures pour délivrer le permis de conduire, « déserts médicaux », etc. Le rapport s'alarme d'un « repli des services publics ». Un tableau noir que le Défenseur relie au ras-le-bol fiscal exprimé par les Gilets jaunes. Selon lui, « en s'effaçant peu à peu, les services publics qui, en France, constituent un élément essentiel du consentement à l'impôt, hypothèquent la redistribution des richesses et le sentiment de solidarité, sapant progressivement la cohésion sociale ».