Lois et VIH, faisons le point !

22 Mai 2018
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Comme dans tous les pays, il existe en France un grand nombre de textes réglementaires, de lois qui concernent plus ou moins directement les personnes vivant avec le VIH et les hépatites virales. Il y a, dans les faits, quelques textes spécifiques au VIH, mais ils sont rares (par exemple, la première circulaire concernant l’infection par le VIH date du 20 juin 1983 et porte sur la prévention de l’éventuelle transmission du sida par la transfusion sanguine). Mais à la différence de certains pays, la France n’a pas de texte ciblant le VIH comme des articles de protection des personnes contre les discriminations ou des articles sur leurs devoirs, notamment en matière de transmission volontaire ou involontaire du VIH ; ce qui est le cas dans de nombreux pays en Afrique, par exemple. Des lois de droit général protègent les personnes vivant avec le VIH assurant le respect du droit au travail, l’accès aux droits sociaux, le maintien de ressources, la lutte contre les discriminations, etc. En France, les pouvoirs publics veillent à lutter contre tout risque d’exclusion des personnes atteintes, parfois avec des ratées. Nul n’est censé ignorer la loi, dit-on, mais dans les faits, beaucoup de personnes ignorent les textes qui peuvent les concerner. Et vous que savez-vous des lois qui traitent du VIH ? Sur quoi portent-elles ? Sont-elles suffisamment protectrices pour les personnes vivant avec le VIH ? L'arsenal législatif est-il suffisant ? C’est autour de ces questions qu’on vous propose d’échanger mardi 22 mai pendant le chat thématique, à partir de 21 heures, en compagnie de Diane-Seronet.

Commentaires

Portrait de Tom Sawyer

Peu de personnes étaient réunies pour débattre autour du sujet les lois et le VIH (6 participants), mais le débat et les échanges furent très animés. Donc malgré le faible nombre de participants cela montre l'intérêt que suscite le débat, sans doute parce que c'est un sujet qui touche à tous les aspects de la vie des personnes vivant avec le VIH.
Qu'il s'agisse d'éviter les discriminations à l'emploi, d'encadrer le pratiques médicales ou encore de l'obligation (ou non) de divulguer son statut à ses partenaires, il existe de nombreuses lois en France et dans le monde qui concernent les personnes vivant avec le VIH.
Bien entendu tous les aspects du sujet ne pouvant être abordés, la discussion s'est articulée autour des points suivants :
- égalité/inégalité d'accès aux services et aux soins? que dit la loi?
- la discrimination : quelles sont les lois qui existent? comment établir la discrimination? comment porter plainte et se défendre en justice?
- les lois existantes sont-elles suffisamment protectrices pour les personnes vivant avec le VIH?
- quelles améliorations apporter aux lois pour améliorer la vie des personnes vivant avec le VIH?

sauveniere
Les lois ne sont pas toujours justes, et il faut beaucoup d'argent pour aller en justice. J'entends peu parler des lois qui concernent les personnes séropositives. La loi impose-t-elle de dire sa séropositivité à un partenaire ou de se préserver par exemple? Si par exemple quelqu'un m'accuse de l'avoir contaminé, que dit la loi?
C'est une énorme contradiction : les milieux bareback se portent bien, aucune condamnation de ce côté là. On va me dire que tout le monde est consentant mais ça pose question quand même. Rien n'est interdit sur les sites alors que ça peut devenir un gros souci pour la santé publique. Et que disent les lois pour donner des droits aux séropositifs qui ont des soucis dans le quotidien, la discrimination par exemple? Si je suis discriminé, je vois mal comment je pourrai me défendre. Par exemple si un dentiste ne veut pas me soigner, je ne peux quand même pas l'obliger, c'est une discrimination, le signaler, et puis ??? Faire des testings? Et après ça change quoi? (Je précise que je n'ai jamais connu ce style de discrimination).
Non, il n'y a pas d'égalité d'accès aux services/soins séropositifs/séronégatifs. Les soignants devraient quand même avoir connaissance de données importantes concernant le VIH.
En théorie on ne peut prélever le VIH sans consentement mais ça se fait beaucoup dans les hôpitaux avant des opérations. On me l'a déjà fait et ça me semble normal. On le fait pour la tuberculose et personne ne dit rien.
Si cela représentait une menace trop importante pour la santé publique je crois que ça pourrait changer puis, ces mesures coûtent chères.
Il faudrait améliorer les lois sur les discriminations dans les maisons de repos, et aussi celle concernant le transport des ARV lors de nos voyages.

cbcb
La législation diffère selon les pays malgré les lois interparlementaires. Les textes des lois ne sont pas très clairs. Les lois sont incompatibles avec les droits de l'homme (droit au secret de la vie privée, etc...). Les professionnels sont obligés de déclarer les VIH, anonymement? La discrimination est un problème important.
J'ai eu le problème (discrimination) avec une kiné. Quand elle a vu mon dossier médical, elle n'avait plus le temps de s'occuper de moi. Sur le coup, ça m'a fait sourire, vu que je gardais sa fille quand elle s'occupait de mon père. Que faire? Porter plainte? Parce qu'elle avait pas le temps?

Les Anonymes
J'ai été contaminé de manière volontaire. J'en ai la preuve. Pour les assurances si tu dis que tu es séropositif tu payes une assurance en plus quand tu fais un crédit.Ils font le test VIH pour le don des reins. Si tout le monde faisait les tests il y aurait plus d'épidémie et plus de commerce pour les laboratoires. A l'hôpital il y a deux mois pas de refus de soins mais on a fermé une porte coupe feu et renvoyé dans mon service. Ils savent se qui n'est pas illégal donc on trinque. Mon cardiologue a mis des gants pour me poser les électrodes, il s'est justifié en me disant que c'était à cause du produit qu'il met sur la peau avant. C'est une discrimination non?

Il n'y a pas d'égalité d'accès séropositifs/séronégatifs. J'avais pris une assurance décès et bien sûr pas tout lu et après 2 ans de cotisation je m’aperçois que je ne suis pas couverte VIH.
Je vis clandestinement avec le VIH mais toujours je le dis quand je fais une rencontre. Nous sommes toujours considérés comme des pestiférés.
C'est difficile, voire impossible, de se battre contre les discriminations. C'est se battre contre des moulins à vent. Et se battre seul c'est pas facile. A l'hosto j'ai jamais eu de problèmes.
Il faudrait améliorer les lois sur les assurances, l'embauche dans certains métiers, la vieillesse, pays qui refusent l'entrée aux séropositifs.

Tom Sawyer
Les lois avancent grâce aux associations. Même si il reste encore beaucoup à faire. Sans les associations, je pense que la situation serait figée. Grâce au travail des associations les lois concernant l'accès aux écoles de la magistrature et aussi celle concernant les soins funéraires (c'est surtout pour les proches que c'est important car ils ne pouvaient pas voir le défunt une dernière fois, c'est important d'être traité avec dignité jusqu'à la fin) ont évoluées, et dans le bon sens.
De mémoire il y a déjà eu des condamnations au sujet de contaminations volontaires au VIH. Un Congolais de 54 ans qui se savait porteur du VIH a été condamné mercredi à six ans de prison ferme par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour avoir contaminé, en connaissance de cause, sa conjointe, également mère de ses deux enfants.
Je pense avoir été contaminé de façon volontaire, mais j'ai préféré "laisser tomber". C'est criminel si c'est fait sciemment.
En ce qui concerne le milieu bareback, la loi ne peut pas être derrière chacun d'entre nous, et à chacun d'assumer aussi ses responsabilités et ses prises de risques.
En ce qui concerne les discriminations, l'aide des associations réalisant des testings peut s'avérer utile dans certains cas (soins dentaires par exemple). Prouver la discrimination reste difficile et compliqué.
Le dépistage était obligatoire lorsque j'ai fait mon service militaire en 1995. Dommage qu'il ne le soit pas, on rate des occasions de dépister de nouveaux cas.
J'ai eu peu d'expériences de discriminations pour l'instant, à part mon dentiste qui me demande de ne pas cracher dans le matériel prévu à cet effet. C'est pas normal, mais ça ne me gêne pas plus que ça. Le plus important c'est qu'il accepte de me soigner.
Je trouve les discriminations dans le milieu sont choquantes et ne devraient pas exister. Et je ne m'imagine pas aller défendre devant un tribunal que le dentiste ne veut pas me laisser cracher lol.

Nous allons laisser la conclusion à Diane qui nous a beaucoup éclairé et apporté des réponses tout au long du débat grâce à ses interventions. Diane c'est à toi ..
Diane
Il subsiste des discriminations "légales", c'est-à-dire encadrées par la loi comme les surprimes d'assurance, le surcoût pour les prêts.
En France il y a déjà eu des condamnations dans les cas où contamination a été jugée volontaire (https://www.seronet.info/article/penalisation-de-la-transmission-du-vih-...).
Les condamnations dans ces cas se basent sur de l’infraction d’«administration de substances nuisibles ayant entrainé une atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui» (ASN), prévue à l’article 222-15 du code pénal.
Maintenant il existe aussi une jurisprudence qui est utilisée dans ces procès.
Vous avez pas mal d'infos ici : http://vih.org/20150403/penalisation-transmission-sexuelle-du-vih-lavis-...
et ici : https://www.senat.fr/lc/lc151/lc151_mono.html
En effet les textes de lois ne sont pas "très clairs" (cbcb), mais cela laisse place à l'interprétation. C'est le rôle des juges et des avocats.
En dehors des lois qui régissent les transmissions du VIH (qu'elles soient volontaires ou pas) d'ailleurs on sait quand même que l'immense majorité des transmissions en France sont du fait de personnes qui ignorent leur statut - et donc ne sont pas traitées).
Pour les refus de soins, il ne faut pas hésiter à les faire remonter aux associations, elles organisent périodiquement des testings qui permettent de prouver les discriminations. Les personnes qui se rendent coupables de discrimination peuvent être condamnées (https://www.20minutes.fr/societe/1737699-20151126-sida-discriminations-t...).
C'est tout à fait illégal d'effectuer des examens pour lesquels la personne n'a pas donné son accord. Cela se fait par exemple pour le dépistage de la tuberculose ou ebola, mais ce sont des virus contagieux (peuvent se transmettre par l'air), pas le VIH.
En France la déclaration du VIH/SIDA est obligatoire et anonyme. L'objectif c'est de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes découvrant leur séropositivité VIH, en suivre l’évolution, et fournir des données permettant d’estimer le nombre de nouvelles contaminations, c'est-à-dire l’incidence du VIH. Qui doit déclarer? Tout biologiste qui diagnostique une infection par le VIH, et tout clinicien ayant prescrit une sérologie VIH qui est confirmée positive ou qui constate le décès d’une personne séropositive pour le VIH.
Pour obtenir gain de cause face à une discrimination il faut qu'il y ait un refus d'accès à un service ou à des soins. Dans le cas d'un refus de soins il est possible de solliciter le défenseur des droits et/ou d porter plainte directement.
Ceci dit, il doit être possible de signaler toute discrimination à la direction de l'hôpital, à des médias ou à une association, voire à l'ordre des médecins! Les associations peuvent aider, parfois se constituer parties civiles aussi, par exemple.
Si il reste de grands progrès à faire pour mieux protéger les personnes vivant avec le VIH et si les débats restent vifs quant à l'obligation de divulgation et la pénalisation de la transmission, des avancées ont eu lieu, et des recours existent face aux discriminations.

Le compte-rendu touche à sa fin, et pourquoi pas faire un chat thématique une prochaine fois sur les orages en Normandie?
Merci de votre attention. Cordialement. Tom.