L'OMS sur la sellette ?

1 Avril 2020
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Créée en 1948, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une des plus puissantes agences de l'Onu avec ses plus de 7 000 employés-es dans le monde, recommande, avec toute son expertise, mais reste tributaire de la volonté des États. Ce qui ne l'empêche pas d'être régulièrement critiquée. Sa gestion de la crise sanitaire actuelle n'y échappe pas. Après la crise de la grippe H1N1 de 2009, qui fut moins meurtrière que redoutée, elle avait été accusée d'avoir sur-réagi sous la pression des laboratoires pharmaceutiques pour déclarer la pandémie, qui avait provoqué la production massive de médicaments, notamment de vaccins, indique l'AFP. On lui a ensuite reproché, au moment de la terrible épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest (en 2013), de ne pas avoir mesuré l'ampleur de la crise dès le début. L'arrivée du coronavirus a fait ressurgir les critiques. Comme en 2013, mais dans une moindre mesure, l'OMS est montrée du doigt pour avoir lancé l'alerte trop tard, tardé à envoyer des experts-es sur place, tergiversé avant de qualifier la situation de pandémie et échouer à harmoniser la riposte internationale, détaille l'AFP. Face à la « cacophonie » du Covid-19, « y a-t-il un chef d'orchestre ? », a d'ailleurs taclé Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève dans la revue médicale The Lancet. Alors qu'un consensus international émerge concernant la fermeture des écoles, des magasins et autres activités et sur la mise en quarantaine de villes ou de régions entières, l'OMS ne dit pas précisément quand ces mesures doivent entrer en vigueur dans chaque pays, ni dans quel ordre. « L'OMS reste étonnamment silencieuse (...) sur toutes ces questions pragmatiques », critique Antoin Flahault. L'OMS a déclaré l'urgence internationale fin janvier, mais ce n'est qu'après qu'elle eut qualifié la situation de pandémie, le 11 mars, que la mobilisation planétaire a été lancée. Certains observateurs jugent que l'OMS a tardé à sonner le tocsin pour ne pas froisser la Chine, pays très actif et donc très influent au sein des diverses instances onusiennes. « Bien qu'il soit largement reconnu que la réponse de la Chine ait été à l'opposé de la transparence - le gouvernement sous-estimant le nombre de cas et intimidant les lanceurs-ses d'alerte - le directeur général de l'OMS a applaudi la « transparence » » de Pékin, a souligné auprès de l'AFP, Joe Amon, professeur en Santé mondiale à l'Université de Drexel. En agissant ainsi, « l'OMS a donné le signal que l'épidémie n'était peut-être pas aussi grave », estime-t-il. À Genève, le directeur exécutif de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a balayé toutes ces critiques, assurant qu'il « ne considère rien de ce qui vient des États membres comme une pression ». Plusieurs experts-es jugent que c'est la Chine qui aurait dû alerter plus tôt l'OMS, au moment des premiers cas en novembre, et non fin décembre, comme elle l'a fait. « Si nous avions su à ce moment-là que quelque chose se passait, cela aurait pu faire une énorme différence », pointe Roland Kao, épidémiologiste à l'Université d'Édimbourg.