L'opposition dénonce l'abandon de Buzyn

20 Février 2020
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L’annonce d’Agnès Buzyn de faire campagne pour la mairie de Paris à la suite de Benjamin Griveaux, a suscité pas mal de critiques de l’opposition. En effet, en dépit de la crise actuelle des urgences qui dure depuis plusieurs mois, du problème sanitaire lié à l’épidémie de coronavirus, du démarrage des débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, projet de loi qu’elle a porté, Agnès Buzyn a finalement choisi de démissionner du gouvernement et de quitter tous ces gros dossiers pour faire la campagne éclair (quatre semaines) des municipales à Paris. C’était prévisible. Cette candidature, longtemps refusée par Agnès Buzyn elle-même, cristallise les critiques de l’opposition et des professionnels-les de santé. Ils qui dénoncent « l’abandon » de son poste. D’autant plus que le 14 février sur France Inter, la ministre avait déclaré qu’elle avait « un agenda trop chargé » pour être candidate dans la capitale. Manifestement pas si chargé que cela, puisqu’elle a tout quitté, manifestement à la demande de l’Élysée. L’entourage de l’ex-LREM Cédric Villani, candidat dissident à Paris, a déclaré que « l’appareil LREM finit par choisir une candidate qui n’aura que quatre semaines pour se plonger dans les dossiers parisiens ». « Ce choix fragilise l’exécutif en pleine crise sanitaire, au détriment d’un rassemblement et d’une victoire possibles derrière Cédric Villani. Cette décision est une nouvelle fois incompréhensible pour deux tiers des Parisiens qui espèrent l’alternance », ajoute l’entourage du candidat dissident. Emmanuel Grégoire, directeur de campagne de la maire sortante et candidate PS Anne Hidalgo, évoque sur Twitter un « abandon de poste » et « une grave faute politique ». « Nous nous étonnons qu’une ministre engagée sur des dossiers majeurs comme la réforme des retraites, la crise de l’hôpital, le plan grand-âge et surtout la gestion de la pandémie mondiale du coronavirus, abandonne son poste du jour ou lendemain », a réagi Nelly Garnier, directrice de campagne de Rachida Dati (LR) à Paris. Le chef de file de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a lui étrillé Agnès Buzyn sur Twitter : « Le système de santé public a été mis en situation de thrombose par la gestion de Madame Buzyn. Nous en sommes à onze mois de grève dans l’hôpital. La campagne de la République en Marche à Paris est terminée. Madame Buzyn représente la destruction de l’hôpital public. Notre candidate, Danielle Simonnet, a raison de dire que les Parisiens ne se laisseront pas abuser ». Sur BFMTV, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a indiqué sentir « un grand cafouillage », alors « qu’on a une réforme (des retraites) fondamentale qui arrive [lundi 17 février, ndlr] dans l’hémicycle ». « On nous enlève le commandant du navire en pleine tempête », a réagi sur LCI l’urgentiste Patrick Pelloux. Toujours dans le milieu hospitalier, le président du Collectif Inter-Urgences, Hugo Huon, a déclaré à l’AFP : « C’est une belle forme de mépris d’avoir le culot de quitter le ministère alors que, après onze mois, tout reste à faire à l’hôpital. (...) Ça montre qu’elle aura préféré choisir depuis le début sa carrière politique à la santé des malades et c’est probablement pour cela qu’elle n’a pas appuyé assez fort ses dossiers ». « Mme Buzyn quitte le ministère (...) en pleine tempête, au lieu de répondre aux exigences des personnels et des organisations qui les représentent pour « sauver » l'hôpital public », a commenté la CGT Santé dans un communiqué. L'Avenir des jeunes pharmaciens hospitaliers (AJPH) a twitté que « l'hôpital brûle et Agnès Buzyn regarde l'hôtel de ville ». Sur Twitter, le Collectif Inter-Hôpitaux (CIH) a imaginé des slogans de campagne pour la nouvelle candidate à la mairie de Paris : « Vous êtes pour les brancards aux urgences, votez Buzyn ! » ou encore « Vous êtes pour l'étranglement financier de l'hôpital public, votez Buzyn ! »

L'arrivée d'Olivier Véran, médecin lui aussi comme Agnès Buzyn, est néanmoins plutôt vue d'un bon œil par les professionnels-les de santé, note l’AFP. « Il faut réformer l'hôpital et y associer ceux qui le font vivre au quotidien », a insisté lundi 17 février le nouveau ministre lors de la passation de pouvoir. Il a annoncé « une enquête nationale » auprès de l'ensemble des « hospitaliers » pour « tenter de saisir en détail le sens de leur engagement auprès du public et les raisons du mal-être qu'ils nous disent depuis un certain nombre d'années désormais ». L'Intersyndicale des internes (ISNI) souhaite donner au nouveau ministre « l'opportunité de faire preuve d'ouverture aux problématiques qui secouent les internes et l'hôpital public » et a donc décidé de lever à compter de mercredi 19 février son préavis de grève illimitée. La Fédération hospitalière de France (FHF) a appelé Olivier Véran « à s'engager pour l'organisation d'une convention citoyenne pour la santé », un « débat participatif » rassemblant professionnels-les, experts-es, élus-es et citoyens-nes. « Le nouveau ministre peut compter sur l'engagement de l'hospitalisation privée » pour « l'aider à mener à bien ces chantiers de la transformation du système de santé », a assuré de son côté la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Les professionnels-les du grand âge et de la dépendance se sont montrés beaucoup plus inquiets. La déléguée générale du Synerpa (regroupant les principaux acteurs privés des EHPAD), Florence Arnaiz-Maumé, estime dans un communiqué que « ce remaniement ne doit pas se faire au détriment de la loi Grand Âge et Autonomie » annoncée pour l'été 2020. L'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) a réclamé des « mesures concrètes » et la création d'un ministère délégué aux Personnes âgées.