Macron face au système de santé

11 Janvier 2023
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Vœux pieux. Emmanuel Macron a lancé, à l’occasion de ses vœux au monde de la santé, les premières pistes pour refonder le système de santé qui, de l’aveu même du gouvernement est aujourd’hui « à bout de souffle ». « Le président de la République [s’est rendu] au Centre hospitalier sud francilien (CHSF) », dans l'Essonne, « pour présenter ses vœux aux acteurs de la santé, hospitaliers et libéraux », a indiqué l'Élysée. Cet hôpital a été victime en août dernier, d’une vaste attaque informatique qui a bloqué son activité des semaines durant. Le chef de l'État « [est revenu] sur les actions engagées, les défis à relever ainsi que les travaux à conduire pour refonder notre système de santé », a précisé la présidence. Le président Emmanuel Macron organisait, pour la première fois en six ans, à l'Élysée, une cérémonie de vœux dédiée aux professionnels-les de la santé. Il a fait des annonces. Le gouvernement a promis une « refondation » du système de santé, après les milliards d'euros déversés depuis 2020 dans le cadre du Ségur de la santé pour renforcer l'attractivité du secteur, mais qui ne suffisent pas à résoudre la crise actuelle. L'entourage du chef de l'État estime qu’Emmanuel Macron avait dévoilé sa « philosophie » dès 2018, lorsqu'il avait lancé sa réforme pour renforcer l'offre de soins sur le long terme, en supprimant notamment le numerus clausus en études de médecine ; une disposition devant permettre de former davantage de médecins. « Une partie du chemin a été faite », mais ces mesures prennent des années à porter leurs fruits, le temps de former de nouvelles générations de soignants, fait-on valoir aujourd’hui dans l’entourage présidentiel. Durant la campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron avait reconnu au printemps qu'il faudrait « aller beaucoup plus loin, plus vite et plus fort », notamment en renforçant « la politique de prévention », « la simplification de l'hôpital et de sa gouvernance » et l'amélioration de « l'accès aux soins en urgence ». Il en a fait l'un des deux « chantiers majeurs » de son second quinquennat, avec l'école. Sur le plan général, Emmanuel Macron a concédé (6 janvier) qu'une partie des revendications des soignants-es étaient « légitimes » et promis de formuler des réponses à la crise du système de santé avec « respect et intelligence », face à des personnels hospitaliers qui lui ont crié leur mal-être et leur épuisement. « Il y a des demandes qui existent et qui ont leur part de légitimité et qu’il faut entendre », a donc commenté le président à son arrivée au Centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes (Essonne), dans la matinée.  « Il y a aussi une situation à laquelle on doit tous faire face et une responsabilité collective pour que nos compatriotes aient aussi des soignants et puissent trouver pour eux-mêmes, leurs enfants, leurs parents une réponse », a-t-il ajouté. « On va essayer de faire tout cela avec engagement, respect, intelligence », a assuré le chef de l'État.  On se demandait derrière la nature très générale du propos si le chef de l’État avait des annonces à faire. En fait, oui ! Emmanuel Macron a ainsi préconisé de sortir de la tarification à l'activité à l'hôpital (T2A) dès le prochain projet de financement de la sécurité sociale. « La tarification à l'acte a créé beaucoup de dysfonctionnements », a commenté le chef de l'État. Il a aussi annoncé vouloir prendre « des décisions radicales » pour aider un secteur aux abois, mais dont on ne connaît pas encore le détail. Reste qu’on connaît les enjeux. Par exemple : il y a des déserts médicaux partout. Selon le ministère de la Santé, 5,7% des Français-es vivaient dans une « zone sous-dense » en médecins généralistes en 2018. Des chiffres officiels sans doute largement sous-estimés, considèrent aujourd’hui les experts-es. L'UFC-Que Choisir dénonce, pour sa part un accès aux soins, (tant géographique que financier) « particulièrement difficile » pour plus de 20 % de la population. La ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, va encore plus loin, répétant ces derniers mois que « 87 % du territoire est considéré comme un désert médical ». La situation n'est pas prête de s'améliorer : alors que les besoins augmentent sous l'effet du vieillissement, la profession traverse un « creux » démographique qui ne sera pas rattrapé avant 2035, le temps que la suppression du numerus clausus à l'entrée des études de médecine produise ses effets, rappelle l’AFP. Autre chantier : celui de l’hôpital. La « triple épidémie » hivernale de bronchiolite, Covid-19 et grippe s'est abattue à la fin de l'automne sur un système hospitalier déjà fragilisé en raison d'une pénurie structurelle de soignants-es. Il manque jusqu'à 40 % d'effectifs paramédicaux (infirmiers-ères et aides-soignants-es) dans certains services. Aux urgences, la plupart des mesures de la « mission flash » (accès filtré, majoration des heures de nuit, recours aux infirmiers libéraux) mises en œuvre durant l'été ont été pérennisées, sans faire de miracle. En décembre, un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants-es et agents-es hospitaliers-ères a imploré l'exécutif d'agir urgemment pour soulager un hôpital public « en train de se fissurer et bientôt de s'écrouler », incapable « d'amortir la moindre crise sanitaire ». Il exige notamment un horaire défini et un ratio maximal de patients-es par infirmière, ce qui nécessiterait d'embaucher « environ 100 000 infirmières » sur trois ans, pointe l’AFP. Au-delà des recrutements, l'enjeu pour l'hôpital est déjà de garder ses soignants, alors qu’à l’AP-HP, par exemple, les effectifs infirmiers ont fondu de 10 % en quatre ans, aggravant à 16 % le taux de lits fermés. Les revalorisations financières issues du Ségur de la santé en 2020 n'ont pas suffi. Tous les professionnels-les insistent sur la nécessité d'améliorer les conditions d'exercice et de vie au travail. À suivre.