Mediator : Servier jugé coupable

1 Avril 2021
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Le tribunal de Paris a reconnu coupable lundi 29 mars à Paris les laboratoires Servier de « tromperie aggravée » et  « d’homicides et blessures involontaires », indique l’AFP.  « Malgré la connaissance qu'ils avaient des risques encourus depuis de très nombreuses années, (...) ils n'ont jamais pris les mesures qui s'imposaient et ainsi trompé » les consommateurs-rices du Mediator, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel, Sylvie Daunis, au début de la lecture du délibéré. Le groupe pharmaceutique français est condamné à payer 2,7 millions d'euros d'amende. Il a, toutefois, été relaxé du délit « d’escroquerie », pour lequel il était aussi poursuivi. Jean-Philippe Seta, l'ex-numéro 2 du groupe pharmaceutique et ancien bras droit du tout-puissant Jacques Servier, décédé en 2014, a lui été condamné à quatre ans d'emprisonnement avec sursis. Le parquet avait requis à son encontre cinq ans dont trois ferme et 200 000 euros d'amende. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps), qui a « gravement failli dans sa mission de police sanitaire », a, elle, été condamnée à 303 000 euros d'amende. Le parquet avait requis une amende de 200 000 euros. Comme le rappelle l’AFP, lors du procès-fleuve ouvert en septembre 2019 et clos en juillet 2020, une question a été centrale lors des débats : comment le Mediator a-t-il pu être prescrit pendant trente-trois ans malgré les alertes répétées sur sa dangerosité ? Pour l'accusation, les laboratoires Servier ont sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes (coupe-faim) et les dangereux effets indésirables de ce médicament (notamment cardiaques), utilisé par cinq millions de personnes jusqu'à son retrait du marché en 2009. Dans ses réquisitions, en juin 2020, la procureure Aude Le Guilcher avait appelé à « restaurer la confiance trahie » en sanctionnant le « choix cynique » et le « sinistre pari » d'une firme ayant privilégié « ses intérêts financiers » à la santé des consommateurs-rices du médicament, malgré « les risques qu'elle ne pouvait ignorer ». Jugée pour « homicides et blessures involontaires » par négligence, pour avoir tardé à suspendre le Mediator, l'Agence de sécurité du médicament (alors l’Afssaps) a reconnu, lors du procès, une « part de responsabilité » dans le « drame humain » du Mediator et n'avait pas sollicité la relaxe. Les premières alertes sur la toxicité du médicament, à l'origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et mortelle, avaient éclos dans les années 1990. Au total, les parties civiles réclament « un milliard » d'euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, dont plus de 450 millions pour les caisses d'assurance maladie qui ont pris en charge le remboursement du Mediator au taux maximal de 65 % et qui s'estiment victimes « d’escroquerie ». Étaient également jugés-es d'anciens-nes cadres et experts-es des autorités de santé accusés-es de « conflits d'intérêts » avec Servier, contre lesquels-les des amendes et des peines de prison avec sursis ont été requises. Dans le volet « trafic d'influence », le parquet a par ailleurs réclamé trois ans de prison avec sursis contre l'ex-sénatrice de Paris (UMP) Marie-Thérèse Hermange, accusée d'avoir modifié un rapport parlementaire sur le Mediator pour minimiser la responsabilité du groupe pharmaceutique.