Médicaments : une question d’éthique !

18 Décembre 2020
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Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu le 30 novembre un avis sur les enjeux éthiques de l’accès aux innovations thérapeutiques. Le CCNE constate la « transformation du modèle économique des entreprises pharmaceutiques » au cours des deux dernières décennies. Cette transformation se caractérise par une financiarisation croissante du secteur, une explosion des prix, une recherche effrénée de profits, une captation de la recherche publique et universitaire et des dépenses de marketing croissantes. L'avis souligne également que les négociations donnant lieu à la fixation des prix des médicaments se caractérisent par un déséquilibre entre les pouvoirs publics et les entreprises du médicament. Il note que l'État s'est déchargé de la mission de production des médicaments sur les sociétés privées, et se trouve désormais tiraillé entre l'exigence éthique de l'accessibilité des traitements, la soutenabilité du financement de la santé et la préservation d'une activité pharmaceutique en France. Le CCNE formule plusieurs réflexions éthiques sur la question du « juste prix », sur les limites de notre système de santé, et sur la « valeur de la vie », actualisées à la lumière de la crise sanitaire et de l'épidémie de Covid-19. Il formule trois principales recommandations : une exigence de transparence : le CCNE invite à réunir toutes les parties prenantes, dont les patients-es, autour d'un « Ségur du médicament » pour évoquer les modalités de développement d'une politique de transparence. Il appelle aussi à réduire les collusions entre prescripteurs et industriels ; un renforcement et/ou élargissement des compétences de la puissance publique : l'avis appelle à consolider les instances préparant les négociations, notamment à travers la réalisation d'analyses médico-économiques indépendantes. Il propose la création d'un Pôle public du médicament destiné à la production de médicaments à but non lucratif et rentables ; le développement d'une politique de coopération européenne et internationale : le CCNE appelle ainsi à engager une réflexion sur la qualification juridique de certains médicaments comme « biens publics mondiaux », et à l'adoption de stratégies de production et de planification sanitaire européennes. Ces recommandations répondent à une mobilisation militante et à un plaidoyer collectivement construit depuis plusieurs années par différentes organisations non gouvernementales, dont AIDES. L’association avait d’ailleurs été auditionnée en 2017 à ce sujet. L'avis reprend et partage d’ailleurs un nombre considérable de nos constats et recommandations historiques, mais également d'autres positions plus récentes formulées dans le cadre de la crise sanitaire actuelle. Ces recommandations de la société civile, aujourd’hui défendues également par le CCNE reçoivent de plus en plus d'échos dans les diverses recommandations formulées par des agences indépendantes et dans la stratégie diplomatique française.