Migrations : abus de pouvoirs

20 Octobre 2021
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Des personnes migrantes sont victimes de refoulements illégaux, parfois accompagnés de violences, menés par des unités spéciales de police, notamment aux frontières de la Grèce et de la Croatie, affirme une enquête de plusieurs médias, dont le magazine allemand Der Spiegel. Publiée le 6 octobre dernier, cette enquête est le résultat de plusieurs mois d’investigations menées par des journalistes de sept pays et de huit médias différents, dont Libération en France. Elle conclue à un « système » mené par des « unités spéciales » dissimulant la plupart du temps leur identité en portant des uniformes sans insigne et des cagoules couvrant le visage, écrit le Spiegel. Elles « opèrent pour la plupart en secret - et sont payées par les citoyens européens », explique le magazine. Sur la base d’autres informations, analyses de vidéos et témoignages, l’enquête affirme qu’en mer Egée, des unités spéciales des garde-côtes grecs sont chargées d’intercepter les demandeurs-ses d’asile et de les relâcher dans des radeaux de sauvetage orange, en partie achetés avec l’argent de l’UE. « En Grèce, Roumanie ou Croatie, les témoignages de demandeurs d’asile affluent, recueillis par des associations, des avocats ou des journalistes », décrivant ces pratiques, selon Libération. Amnesty International a réagi (6 octobre) à ces allégations, jugeant « alarmant que la Commission européenne continue de fermer les yeux sur la violation flagrante du droit de l’UE et continue même de financer des opérations de police et des opérations frontalières dans certains de ces pays ». En France, c’est une autre ONG, Human Rights Watch (HRW), qui ets récemment montée au front pour dénoncer la « politique de dissuasion » envers les migrants-es candidats-es à la traversée vers la Grande-Bretagne, mise en œuvre par les pouvoirs publics. Dans un rapport, publié le 7 octobre, l’ONG Human Rights Watch mentionne des expulsions quotidiennes, des tentes lacérées, des biens confisqués, etc. dans le cadre d’une « politique de dissuasion » des personnes migrantes soumises à une « humiliation et un harcèlement quotidiens », selon HRW. Dans le nord de la France, à Calais, Grande-Synthe et leurs environs, où plus d’un millier de personnes vivent toujours dans les zones boisées, des entrepôts désaffectés ou sous les ponts, dans l’espoir de passer vers le Royaume-Uni, la police couple « des expulsions de masse périodiques » avec « des opérations routinières » qui poussent les exilés à se déplacer continuellement « pendant que les agents confisquent les tentes qu’ils n’ont pu emporter avec eux - les tailladant souvent pour qu’elles ne soient plus utilisables - ainsi que d’autres affaires abandonnées », écrit l’ONG dans son rapport. Selon le HRO (Human Rights Observers), une association qui s’est spécialisée dans le suivi de la situation migratoire sur le littoral nord de la France, la police a procédé en 2020 à plus de 950 opérations d’expulsions « de routine » à Calais, 90 à Grande-Synthe, lors desquelles elle a saisi 5 000 tentes et bâches, ainsi que des centaines de sacs de couchage et de couvertures. « Ces pratiques abusives s’inscrivent dans une politique de dissuasion plus globale des autorités, visant à supprimer ou à éviter tout ce qui pourrait, à leurs yeux, attirer les migrants dans le nord de la France et encourager l’établissement de campements ou d’autres « points de fixation » », déplore encore HRW, dont l’enquête s’est déroulée sur place d’octobre à décembre 2020 puis en juin et juillet 2021. Durant, l’enquête, 60 migrants-es ont été interrogés-es. « Rien ne peut justifier de soumettre des personnes à une humiliation et un harcèlement quotidiens », a estimé Bénédicte Jeannerod, directrice pour la France de HRW. « Si l’objectif est de dissuader les migrants de venir dans le nord de la France, ces politiques sont un échec flagrant et plongent les personnes dans une profonde désolation », a-t-elle ajouté auprès de l’AFP.