Mort de Larry Kramer

29 Mai 2020
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Militant gay et pionnier de la lutte contre le sida au travers de l’organisation Act Up dont il fut un des fondateurs, Larry Kramer est mort, mercredi 27 mai, à New York à l’âge de 84 ans, des suites d’une pneumonie. « Repose en puissance », a tweeté Act Up. « Ta rage a aidé à inspirer notre mouvement. Nous continuerons à honorer ton nom et ton esprit par l’action », a ajouté l’organisation. Outre ses activités militantes, Larry Kramer, auteur de nombreuses pièces de théâtre et scénarios, a conduit une importante carrière artistique. Parmi les œuvres les plus connues signées Larry Kramer : « The Normal Heart », une pièce écrite en 1985 et qui condamnait l’inaction des dirigeants face à la maladie. Elle fut primée de trois Tony - les récompenses de Broadway - en 2011, avant d’être adaptée à l’écran par le producteur Ryan Murphy. Il fut aussi nominé aux Oscars en 1971 pour son scénario adapté de « Women in love », le roman de D. H. Lawrence. Si une part notable de son travail artistique a traité du VIH, c’est surtout du côté militant que son apport a été le plus considérable. Vivant avec le VIH, Larry Kramer s’est investi très tôt dans le combat contre le VIH. Début 1982, il avait fondé l’organisation Gay men’s health crisis qui était responsable de la première ligne directe téléphonique d’information sur le sida. Dès sa création, l'association est sur un mode d’urgence et d’exigence vis-à-vis du monde politique. À New York, la cible des activistes est le maire Ed Koch auquel il est reproché de ne pas agir assez vite. Suite à de nombreux désaccords, notamment stratégiques, avec les membres de Gay men's health crisis, Larry Kramer quitte l'organisation. En 1987, avec d’autres militants, il crée Act Up qui permet un tournant dans la lutte contre le sida. Par ses actions spectaculaires, son registre politique, les axes revendicatifs qu’elle défend, l’association contribue à mobiliser contre cette maladie que beaucoup de dirigeants-es entendent cantonner aux seuls homosexuels. « La poursuite de notre existence dépend de notre capacité à nous mettre en colère », écrivait Larry Kramer en 1983 dans le journal gay New York Native. « Si nous ne nous battons pas pour nos vies, nous mourrons ». « Des millions de gens sont vivants grâce à Larry Kramer, moi compris », a estimé sur Twitter Corey Johnson, chef du conseil municipal de New York et lui-même militant homosexuel. « Il n’était pas la personne la plus facile, dieu merci pour cela. Il était un héros et est devenu mon ami », a-t-il ajouté, cité par l’AFP. Très forte personnalité, grand nom du militantisme et de l’activisme, Larry Kramer ne laissait pas indifférent. On peut en juger par les hommages qu’il reçoit. L’actrice Mia Farrow a salué sur Twitter une « force magnifique, dont l’intellect, le cœur et l’indignation a éveillé la nation aux horreurs et pertes causées par le sida ». « Que Dieu bénisse tous ceux dont la vie a été transformée par ta voix puissante et féroce », a également tweeté l’actrice Rosanna Arquette. De fait, Larry Kramer était connu pour ses accès de colère, la violence verbale de certaines interventions servie par un talent de tribun hors normes. Susan Sontag l’avait surnommé « l’un des perturbateurs les plus utiles des États-Unis ». Il faut une des personnalités majeures qui ont aidé à faire prendre conscience de la gravité de l’épidémie de sida. Le docteur Anthony Fauci, que Larry Kramer avait qualifié d’« idiot incompétent » au début de l’épidémie du sida, a indiqué au New York Times qu’une fois « dépassé son côté polémique, ce qu’il disait avait beaucoup de sens et il avait un cœur d’or ». « Il était féroce et infatigable dans ses convictions, un vrai héros auquel beaucoup de gens aujourd’hui doivent la vie », a déclaré au magazine Variety Julia Roberts, qui avait joué dans l’adaptation à la télévision de sa pièce The Normal Heart, qui dénonçait l’inaction des dirigeants face au sida. Larry Kramer « était sans peur », a souligné l’actuel maire de New York Bill de Blasio. « Il remuait les choses, dénonçait les puissants et, pour le plus grand malheur de certains, avait presque toujours raison ». Larry Kramer est resté actif tout au long de sa vie. Il avait indiqué, en mars, au New York Times, qu’il travaillait à une nouvelle pièce de théâtre touchant à l’actuelle pandémie de coronavirus.