Opioïdes : Walmart accusé

6 Janvier 2021
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Ces dernières années, la firme américaine Walmart, un des géants de la grande distribution, n’a pas ménagé ses efforts pour réduire son rôle dans la crise des opioïdes aux États-Unis. Peine perdue, la justice américaine a décidé de poursuivre le géant de la distribution, l’accusant d’avoir alimenté une crise sanitaire qui a fait des centaines de milliers de morts dans le pays. Comme l’explique l’AFP, le ministère américain de la Justice demande « des sanctions au civil qui pourraient se solder en milliards de dollars », indique-t-il dans un communiqué. Selon le ministère, Walmart « a distribué illégalement des substances réglementées et sous ordonnance au plus fort de la crise des opiacés » dans les pharmacies que le groupe exploite à travers les États-Unis. « Étant l’une des plus grandes chaînes de pharmacies et l’un des plus grands distributeurs de médicaments du pays, Walmart avait la responsabilité et les moyens d’aider à prévenir le détournement d’opiacés », a estimé Jeffrey Bossert Clark, procureur général adjoint, cité dans le communiqué. « Au lieu de cela, et pendant des années, [Walmart] a fait le contraire : accepter des milliers d’ordonnances invalides dans ses pharmacies et omettre de signaler les ordonnances suspectes d’opiacés », a-t-il dénoncé, soulignant que « ce comportement illégal a contribué à l’épidémie d’abus d’opiacés à travers les États-Unis ». La justice s’est appuyée notamment sur les déclarations de responsables du groupe ayant fait état d’une « énorme pression pour traiter les ordonnances », pour expliquer ces poursuites. Il fallait à tout prix « stimuler les ventes » et traiter vite les ordonnances pour fidéliser la clientèle, selon l’un d’entre eux. Walmart a réagi en affirmant que les poursuites du ministère de la Justice étaient « entachées par des violations éthiques historiques et que ce procès invente une théorie juridique qui force, de manière illégale, les pharmaciens à se placer entre les patients et leurs docteurs, qui est truffée d’erreurs factuelles et qui sélectionne des documents en les sortant de leur contexte ». C’est cette ligne qui devrait constituer la défense de la firme. Mais que pésera-t-elle face aux quelque 450 000 morts que cette crise a causés aux États-Unis entre 1999 et 2018. La consommation des médicaments opiacés a explosé à partir de 2013, conduisant le président Donald Trump à déclarer une « urgence de santé publique » en 2017. Cette crise a même été jugée responsable de la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis entre 2014 et 2017, c’est dire son ampleur. L’annonce du ministère de la justice intervient deux mois jour pour jour après la plainte déposée par Walmart devant un tribunal du Texas. Le groupe se disait alors victime d’une tentative injuste du gouvernement de lui faire « porter le chapeau » pour la surconsommation de médicaments opiacés ultra addictifs. Dans sa plainte, la chaîne de supermarchés – qui compte quelque 5 000 magasins aux États-Unis, avec presque tous des points pharmacie – estimait qu’en reprochant à ses pharmaciens-nes de ne pas avoir refusé de fournir des opiacés prescrits par les médecins, le ministère de la Justice et le DEA, agence chargée de la lutte contre les drogues, mettaient les pharmaciens « dans une position intenable ». Walmart accuse le DEA de chercher à se dédouaner de ses « profondes erreurs » dans la gestion de cette crise. Il est vrai que des audits ont conclu que l’agence fédérale n’avait pas, comme elle aurait dû, empêché les laboratoires de produire des quantités toujours plus importantes de ces médicaments ni, dans 70% des cas, retiré leur licence aux médecins, dont les ordonnances étaient mises en cause. Le groupe a demandé au tribunal texan (où la plainte a été déposée) de dire clairement que Walmart et ses pharmaciens-nes n’avaient pas les responsabilités légales que voudraient lui attribuer le gouvernement et le DEA. Pour l’heure, cette plainte n’a pas abouti. D’autres grands distributeurs de médicaments américains – comme Cardinal Health ou McKesson – ont été attaqués par le passé en justice par des autorités locales ou des États, qui les accusent d’avoir fermé les yeux sur des millions d’ordonnances de médicaments opiacés alors qu’ils les savaient addictifs.