Ouganda : homophobie plein pot !

8 Juin 2023
795 lectures
Notez l'article : 
0
 

Homophobie d’État. L'annonce de la promulgation, par le président Yoweri Museveni, d'une nouvelle loi prévoyant de lourdes peines contre les relations homosexuelles et la « promotion » de l'homosexualité en Ouganda a suscité de très vives réactions et beaucoup d’inquiétude chez les ONG locales et dans plusieurs pays. Du côté de la présidence camerounaise, on a d’abord indiqué que le chef de l’État avait « approuvé » le texte, qui « devient désormais la loi anti-homosexualité 2023 ». Cette annonce a ravivé les craintes déclenchées en mars par le vote du projet de loi, qualifié alors par le chef du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits humains (HCDH), Volker Türk, de « texte discriminatoire — probablement le pire au monde en son genre ». Le HCDH s'est d’ailleurs dit lundi 30 mai « consterné » de voir entrer en vigueur ce projet de loi « draconien et discriminatoire », qui est, par ailleurs, « contraire à la Constitution [de l’Ouganda, ndlr] et aux traités internationaux », pourtant ratifiés par le pays. Pour le HCDH, la nouvelle loi ouvre la voie à « des violations systématiques des droits des personnes LGBT ». Du côté des États-Unis, le président Biden a dénoncé une « atteinte tragique » aux droits humains. L’administration Biden compte étudier les conséquences de cette loi sur « tous les aspects de la coopération entre les États-Unis et l'Ouganda », notamment l'aide et les investissements, selon un communiqué de la Maison-Blanche. L’ONG Human Rights Watch a réagi. Sa directrice adjointe pour l’Afrique, Ashwanee Budoo-Scholtz, a déploré une « loi discriminatoire » et « un pas dans la mauvaise direction ». Amnesty International a fustigé « une loi profondément répressive » et « une attaque grave contre les droits humains ». Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a parlé d'une loi « déplorable » et « contraire aux droits humains » dans un communiqué, évoquant des relations « compromises » avec Kampala. La France a exprimé mardi 30 mai ses « plus vives inquiétudes ». Face à cette « grave violation des droits de l’Homme et des engagements internationaux de l’Ouganda, y compris de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples », Paris « appelle les autorités ougandaises à renoncer à cette loi et exprime son soutien à toutes les personnes LGBT+ en Ouganda », a souligné la porte-parole du Quai d’Orsay.  Ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni « est consterné que le gouvernement ougandais ait signé la loi anti-homosexualité profondément discriminatoire », selon un communiqué du secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Andrew Mitchell. Le texte avait été amendé à la marge par les parlementaires, à la demande du président Museveni. Les élus-es avaient précisé que le fait d'être homosexuel n'était pas un crime, mais que les relations sexuelles entre personnes de même sexe l'étaient. Dans ce pays d'Afrique de l'Est où l'homosexualité est illégale, les « actes d'homosexualité » sont passibles de la perpétuité depuis une loi datant de la colonisation britannique. Les parlementaires ont maintenu une disposition faisant de « l'homosexualité aggravée » un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés-es à mort. En Ouganda, la peine capitale n'est cependant plus appliquée depuis des années, mais, de fait, la loi la prévoit toujours. Une ONG a annoncé avoir saisi la Haute cour de l'Ouganda à propos de cette loi « ouvertement inconstitutionnelle ». La criminalisation des activités entre homosexuels adultes consentants « va à l'encontre de dispositions clés de la Constitution, dont le droit à l'égalité et à la non-discrimination », a jugé Adrian Jjuuko, directeur exécutif du Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF). La loi promulguée comporte aussi une disposition sur la « promotion » de l'homosexualité. Une disposition qui inquiète particulièrement les ONG. Selon le texte, quiconque —  particulier-ère ou organisation — qui « promeut sciemment l'homosexualité » encourt jusqu'à 20 ans de prison. S'il s'agit d'une organisation, elle risque dix ans d'interdiction. Ce grief pourrait être utilisé contre des associations de santé, notamment celles investies dans la lutte contre le VIH. « Nous nous sentons tellement, tellement, tellement inquiets. Cette loi va faire beaucoup de mal à la communauté LGBTQ ougandaise », a déclaré, à l'AFP, le directeur exécutif de Sexual Minorities Uganda, organisation de défense des droits des homosexuels, dont les activités ont été suspendues par les autorités l'année dernière. Il redoute « une justice populaire et des arrestations massives ». Cette loi suscite également l'inquiétude des organisations humanitaires et de grans instances internationales. Dans une déclaration conjointe, les dirigeants-es du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de l’Onusida et du Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (Pepfar) se disent « extrêmement préoccupés-es par les conséquences préjudiciables de la loi ougandaise contre l’homosexualité de 2023 sur la santé des citoyens-nes et sur la riposte au sida dont le succès ne se dément pas jusqu’à présent. Le communiqué commence par les compliments : « L’Ouganda et son président, Yoweri Museveni, ont joué un rôle exemplaire dans la lutte pour éradiquer le sida. Les progrès accomplis grâce à la mise en place de programmes à grande échelle de prévention, de diagnostic, de traitement et de prise en charge reposent tous sur le principe de l’accès aux soins de santé pour ceux et celles qui en ont besoin, sans stigmatisation ni discrimination. Des vies ont ainsi été sauvées. Les systèmes de santé solides établis pour soutenir la riposte au sida profitent à la population ougandaise dans son ensemble (…). Il est essentiel de préserver cette approche : l’échec de la riposte de santé publique au VIH aura des répercussions sur l’ensemble du système, et ces conséquences pourraient s’avérer préjudiciables pour tous ». Puis suivent les mises en garde : « Le succès de l’Ouganda dans sa riposte au VIH est aujourd’hui gravement menacé. La loi contre l’homosexualité de 2023 fait obstacle à l’éducation à la santé et aux activités de terrain qui peuvent contribuer à l’éradication du sida en tant que menace pour la santé publique. La stigmatisation et la discrimination liées à l’adoption de la loi ont déjà restreint l’accès aux services de prévention et de traitement. La confiance, le secret médical et l’absence de stigmatisation sont indispensables pour ceux et celles qui nécessitent des soins. En Ouganda, les personnes LGBTQI+ craignent de plus en plus pour leur sécurité. Le risque d’agressions, de sanctions et de marginalisation accrue décourage de plus en plus le recours aux services de santé vitaux (…). Nous demandons conjointement un réexamen de la loi afin que l’Ouganda puisse poursuivre sur sa lancée afin de garantir un accès équitable aux services de santé et mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030, concluent Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial, Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida et l’ambassadeur John Nkengasong, coordonnateur pour les États-Unis de la lutte mondiale contre le sida. Du côté ougandais, on s’attend à des sanctions internationales, surtout occidentales. « Ils vont couper des aides à l'Ouganda », a déclaré Asuman Basalirwa, le parlementaire à l’origine du texte, estimant qu'il fallait trouver de nouveaux « partenaires de développement », notamment dans le monde arabe. De son côté, la présidente du Parlement, Anita Among, s'est félicitée de la promulgation du texte par le président Museveni, qui qualifie, lui-même, l'homosexualité de « déviance ». « Nous avons tenu compte des préoccupations de notre peuple et légiféré pour protéger le caractère sacré de la famille (...). Nous sommes restés fermes pour défendre la culture, les valeurs et les aspirations de notre peuple », a-t-elle déclaré dans un communiqué. La loi semble bénéficier d'un large soutien populaire et les réactions d'opposition à la décision présentielle ont été rares dans le pays. L'homophobie est répandue en Ouganda, comme dans le reste de l'Afrique de l'Est. De l’avis des observateurs-rices : harcèlement et intimidations sont le quotidien des homosexuels-les en Ouganda, où s'est développé un christianisme évangélique particulièrement LGBTQUIphobe.