PÉDÉS : un cri collectif

8 Juin 2023
884 lectures
Notez l'article : 
0
 

Derrière un titre volontairement radical, la volonté de retourner le stigmate et la honte liés à l’homophobie pour en faire une arme d’affirmation de soi. Dans une société qui peine à lutter contre l’homophobie ambiante, la communauté gay est éreintée par ses luttes. Stigmatisée, insultée et tuée, elle est pourtant bien plus riche et complexe que ce que les multiples préjugés à son encontre laissent penser. Avec la volonté d’amorcer une prise de conscience, ce collectif de huit militants, journalistes, écrivains et artistes explore les homosexualités masculines contemporaines en France. Ensemble, ils imaginent une nouvelle solidarité au sein des luttes gays. Comment se libérer des normes établies par la société, tout en faisant partie d’une communauté, elle aussi en prise avec des carcans patriarcaux, coloniaux et classistes ? Comment combattre les discriminations à l’extérieur comme à l’intérieur de la communauté homosexuelle ? Reflet d’une génération qui se construit en dehors de l’hétéronormativité, cet ouvrage se veut pédagogique, politique et fédérateur. « Ce titre est un cri du cœur. À travers lui, nous nous réapproprions cette insulte dont la brutalité nous a maintes fois blessés. L’afficher en couverture de ce livre nous est apparu comme une évidence afin d’exprimer haut et fort notre liberté d’être, de nous nommer et de nous raconter. Ce titre raconte aussi à lui seul une grande partie de notre histoire homosexuelle, que nous devons préserver et partager, tant notre passé a à nous apprendre sur nos luttes actuelles », explique Florent Manelli, auteur et illustrateur qui coordonne cet essai choral. Au total, ce ne sont pas moins de huit textes écrits par Florent Manelli, Jacques Boualem (pseudonyme d’un activiste franco-algérien), Camille Desombre (pseudonyme du journaliste Matthieu Foucher), Adrien Naselli (journaliste), Julien Ribeiro (anthropologue, programmateur, curateur et artiste), Ruben Tayupo (militant pour l’accueil des personnes en parcours d’exil), Nanténé Traoré (photographe et auteur transgenre) et Anthony Vincent (journaliste). « Être pédé ne raconte pas une histoire commune, mais participe à une certaine perception du monde et une place que l’on nous accorde dans celui-ci. Mais avant tout, être pédé est le résultat d’une fatigue. La fatigue d’une politique de respectabilité où nous devrions nous restreindre aux cases que l’hétéronormativité daigne nous offrir. Être pédé, c’est laisser cours à cette fatigue », explique Julien Ribeiro, l’un des auteurs. 
PÉDÉS, Florent Manelli, collectif, Éditions Points, juin 2023, 9,40 euros.