Plan crack à Paris : critiques et réactions

29 Décembre 2021
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Entre 2019 et 2021, un « plan crack » a été mis en place à Paris, à l’initiative d’un ensemble d’acteurs-rices qui voulaient coordonner leurs actions  pour lutter contre l’augmentation et la concentration de personnes usagères de drogues dans les 18ème, 19ème et 20ème arrondissements. Il s’agissait, en l’occurrence, de la préfecture de la région Île-de-France, de la préfecture de police de Paris, de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l’Agence régionale de santé (ARS), du parquet de Paris et de la Ville de Paris...  Ce plan a fait l’objet d’un « audit flash » de la part chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France. Le document a été publié le 9 décembre par la Cour des comptes. Que dit le rapport ? Il constate d’abord que la « grande majorité des 33 actions répertoriées dans ce plan se situent sur le terrain de la prise en charge sanitaire et sociale avec, d’une part, le renforcement des dispositifs existants – telles que les maraudes –, et d’autre part, l’expérimentation de dispositifs d’accompagnement (la mise à l’abri des personnes primant sur la prise en charge de leur addiction) ». « La principale force du « plan crack » a été de proposer une approche globale qui rassemblait l’ensemble des acteurs publics concernés, aux côtés des associations de travailleurs sociaux et de médecins chargés de mettre en œuvre les actions sur le terrain », note l’« audit flash ». La CRC Île-de-France relève que la mise en œuvre de la majorité des actions programmées (soit 19 sur les 33 engagées en juin 2021) a produit des « résultats inégaux ». Elle note aussi que : « Le montant total des dépenses de la Ville de Paris, et notamment de celles de l’État, dépasse leurs engagements initiaux (3M d'euros par an) pour atteindre plus de 24M d'euros. L’accroissement de ces dépenses, outre le développement des dispositifs de maraudes, correspond en grande partie à l’augmentation du nombre de places dans les dispositifs d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale (…) dans le contexte de la crise sanitaire ». La cour explique aussi que les « structures de premier accueil (salles de repos, salles de consommation à moindre risque) se sont, elles, heurtées à des difficultés pour recruter du personnel et trouver de nouveaux emplacements adaptés. Or, le manque de places d’hébergement pour des séjours plus pérennes a fondamentalement entravé la logique de parcours et d’accompagnement qui était au cœur de la prise en charge médico-sociale du plan ». La cour explique aussi que les limites du « plan crack » résident d’une part dans le fait d’avoir circonscrit le plan à Paris intra-muros, et d’autre part que le plan ait eu des actions plus limitées que celles qui avaient été présentées par la Mildeca. A joué aussi sur l’efficacité, le fait que ledit plan a été « conçu dans une logique d’expérimentation » et, de ce fait qu’il n’a pas été « dimensionné pour pouvoir couvrir l’ensemble des consommateurs en errance dans la rue (700 à 800 consommateurs précaires) ». La Fédération Addiction a réagi à la publication de ce rapport. Elle considère que la Cour rappelle les « manquements déjà soulignés par les acteurs de terrain dans la prise en charge des consommateurs de crack du Nord-Est parisien ». Pourtant des solutions existent, avance-t-elle. Elles passent notamment dans le fait d’écouter les acteurs-rices de terrain. La Fédération Addiction rappelle qu’elle a « déjà écrit à trois reprises au Premier ministre et à la maire de Paris depuis juin 2021 en appelant à une gouvernance efficace réunissant l’ensemble des acteurs, tant sur les enjeux de santé que de sécurité ». « Nous continuons à appeler la préfecture de région, la préfecture de police, la Mildeca, l’ARS et la ville de Paris à cesser les prises de position et les actions non concertées et à mettre en place les solutions non seulement de réduction des risques (maraudes, haltes soins addictions,…) mais aussi de soin (hébergements adaptés, lien avec la psychiatrie, orientation vers le soin résidentiel) et de sécurité (travail de médiation avec les riverains, ligne téléphonique d’appui, etc.) pour que la situation actuelle prenne fin », défend-elle. La Fédération Addiction souligne que la Chambre régionale des comptes entérine les constats des associations. Par exemple, le fait qu’il n’y ait pas assez de « salles de consommation et d’hébergements ». « Rappelons que les acteurs associatifs avaient indiqué dès 2016 qu’une seule salle [de consommation à moindre risque, ndlr] ne suffirait pas à répondre aux besoins et que quatre à cinq étaient nécessaires, dont certaines adossées à des Csapa ou Caarud, afin de couvrir le territoire avec plusieurs petites unités. C’est ce modèle qui est mis en place dans les autres villes d’Europe et au Canada ». Et de conclure : « Les associations le disent : les solutions sont plurielles mais elles existent. Il est temps que chacun reprenne le sens de l’intérêt général, tant pour les personnes consommatrices que pour les riverains, en Île-de-France comme ailleurs ».