Plan hôpital : des annonces et des critiques

26 Novembre 2019
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Après huit mois de crise dans les hôpitaux publics, le gouvernement a finalement annoncé mercredi 20 novembre une rallonge budgétaire et une reprise de dette étalées sur trois ans (pour un montant de dix milliards d’euros), ainsi que des primes pour les personnels, pourtant pas convaincus par ce « plan d'urgence » et qui prévoient de nouvelles journées d'action, indique l’AFP. Du côté du gouvernement, on explique que « l'idée de ce plan, c'est de redonner de l'oxygène » aux soignants-es, qui « n'en peuvent plus » et le gouvernement est « prêt à y consacrer des moyens considérables », a affirmé le Premier ministre Édouard Philippe, lors d'une conférence de presse. Le Premier ministre s'est ainsi engagé à « débloquer dans les prochains jours » les 400 millions d'euros de crédits gelés en début d'année, mais aussi à augmenter le budget des établissements de santé de 1,5 milliard d'euros sur trois ans « en plus de la trajectoire budgétaire prévue ». Une première rallonge de « 300 millions dès 2020 » sera « votée dès la semaine prochaine » à l'Assemblée nationale, a-t-il indiqué. Des hausses de 500 puis 700 millions suivront en 2021 et 2022, a par la suite précisé Bercy. Pour les personnels soignants, cette manne devrait se traduire par davantage de primes, en particulier en début de carrière, et pour les aides-soignants-es. Une indemnité spécifique de 800 euros net par an sera également attribuée « de façon pérenne » aux quelque 40 000 infirmiers-ières et aides-soignants-es de la région parisienne gagnant « moins de 1 900 euros mensuels », pour faire face notamment à des « coûts de logement très élevés ». Des mesures ciblées, censées « répondre aux problèmes d'attractivité de l'hôpital », a expliqué la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui entend aussi « renforcer la place du médecin » dans la gouvernance des établissements. Ce nouveau plan n'a pas davantage convaincu les principaux intéressés-es. « Il n'y a pas de réponse aux revendications qu'on porte depuis neuf mois, rien en termes d'effectifs et d'ouvertures de lits d'hospitalisation », a ainsi déploré Orianne Plumet, infirmière et membre du collectif Inter-Urgences. « On nous avait annoncé un effort massif, c'est la déception qui est massive », a réagi Antoine Pelissolo, psychiatre et membre du collectif Inter-Hôpitaux. Ces collectifs et l'ensemble des syndicats de la fonction publique hospitalière, dont la CGT, FO et la CFDT, estiment, dans un communiqué commun, que le gouvernement « ne répond pas à la gravité de la situation » et fixent deux nouvelles dates de mobilisation : le samedi 30 novembre pour des « actions de sensibilisation » et surtout le mardi 17 décembre pour une « journée nationale de grève et de manifestations », précise l’AFP. Même déconvenue chez les syndicats de praticiens hospitaliers, d'internes et de jeunes médecins pour qui « la montagne a accouché d'une souris » et qui menacent d’« une nouvelle mobilisation dans les jours à venir ». C’est un autre point de vue que France Assos Santé a souhaité mettre en avant : celui des personnes usagères du système de santé. Il y a même consacré un communiqué (21 novembre). Le collectif n’est d’ailleurs pas amène avec les annonces gouvernementales : « Le sentiment qui prédomine à la lecture des annonces faites hier par Matignon, c’est un manque d’ambition et de sens politique. Nous saluons des mesures financières de rattrapage, indispensables pour éviter la faillite du système hospitalier et redonner un peu d’attractivité professionnelle au secteur, mais déplorons le manque d’ambition de ces annonces ». Sur les moyens, le Collectif dit prendre « acte des efforts, notamment en direction du pouvoir d’achat des personnels hospitaliers, mais constatons que le compte n’y est pas ». « Au regard d’un budget de 84 milliards d'euros par an, les 500 millions supplémentaires ne couvriront même pas les besoins de modernisation des infrastructures. Ils ne permettront pas non plus de résoudre la question cruciale du manque d’effectifs, pourtant garante de la qualité et de la sécurité des soins ». Dans le communiqué, Gérard Raymond, président de France Assos Santé, explique : « Pour nous, c’est une occasion manquée de réinjecter du sens politique dans l’organisation des soins sur le territoire, notamment de premier recours (…) Quel rôle pour l’hôpital au sein du système de santé dans son ensemble ? Quel modèle économique ? N’est-il pas temps de sortir d’une logique purement comptable au bénéfice d’une logique de qualité et de sécurité des soins ? Ce volet, pourtant essentiel, n’est à aucun moment abordé dans ces annonces. Dommage ». Dans son communiqué,  France Assos Santé rappelle qu’il demande : « L’arrêt des fermetures de lits, et des ouvertures dans les services et les territoires où les besoins sont les plus criants » ; que ces « ces mesures s’accompagnent d’une réflexion en profondeur sur la réorganisation des établissements de santé. Des marges de manœuvre pourraient être trouvées via une organisation plus efficiente » ; que « pour chaque service hospitalier, des effectifs adaptés et incompressibles par rapport à une charge de travail définie, afin que la qualité et la sécurité des soins soit garanties ».  Enfin, il demande des progrès en matière de démocratie en santé : les personnes usagères du système de soins demandent « enfin à être systématiquement associées (…) aux décisions d'organisations des soins et aux projets d’établissement ».