Préfectures : la dématérialisation encore dénoncée

29 Novembre 2019
2 477 lectures
Notez l'article : 
0
 

Et voilà, encore une mobilisation de la société civile pour dénoncer les conditions d’accueil dans les préfectures. Cette fois, c’est la préfecture de l’Hérault qui est pointée du doigt sur ses conditions d’accueil des étrangers-ères, du fait de la dématérialisation de certaines procédures. « À Montpellier, les étrangers se heurtent depuis plus de deux ans à un mur virtuel édifié par l’administration : pour déposer un dossier de demande de titre de séjour ou en solliciter le renouvellement, ils doivent obtenir un rendez-vous uniquement via une plateforme internet : des plages de rendez-vous sont dédiées respectivement aux étrangers en situation régulière (ESR) demandant le renouvellement de leur titre et aux étrangers en situation irrégulière (ESI) sollicitant leur régularisation », explique une tribune du collectif associatif GTIAEP 34 (dont AIDES Occitanie) (1). « Cette plate-forme, tant pour Béziers que pour Montpellier, est saturée depuis plus de deux ans. Des initiatives privées, flairant le marché lucratif, se sont créées, captant une partie des rendez-vous et les revendant ensuite. Ce détournement du dispositif de prise de rendez-vous met en cause le principe de gratuité et d'égalité et accentue la saturation du service : il faut parfois des mois de consultation du site de la préfecture pour trouver un créneau disponible », affirme la tribune. « Les bénévoles ou professionnels qui accompagnent ces étrangers dans leurs démarches sont témoins de leur angoisse, de leur lassitude, et des lourdes conséquences sur leur situation personnelle. Des étrangers risquent de perdre leur emploi ou des mois de salaire faute de pouvoir justifier du renouvellement de leur titre ou de l'obtention d'un tel titre dans le cas d'une demande de régularisation ». La tribune dénonce le fait que la « préfecture, a répondu à cette situation en compliquant le dispositif, au lieu d’adapter à la demande ses capacités d’accueil dont l’insuffisance est la véritable source du problème ». Le collectif GTIAE 34 (pour Groupe de Travail Inter-associatif sur l’Accueil des Étrangers en Préfecture) se fixe pour objectif une « amélioration de cette situation » qui se prolonge dramatiquement pour les personnes concernées. Ces derniers mois, le collectif a sollicité un entretien avec le Préfet de l’Hérault de l’époque… sans obtenir de réponse. Il a donc saisi le Défenseur des Droits ; institution qui avait déjà pointé dans un rapport les conséquences de la dématérialisation et notamment les inégalités d'accès aux services publics qui en découlaient. « Si la dématérialisation des procédures administratives en cours est utilisée pour construire l’opacité et protéger les fonctionnaires de tout contact avec les administrés-es, c’est plutôt de déshumanisation, voire de discrimination qu’il faudrait parler », dénonce le collectif. La situation de l’Hérault n’est pas unique, loin de là comme l’expliquait un dossier paru dans Gingembre. En octobre dernier, un ensemble d’organisations non gouvernementales (2) avait dénoncé la situation des préfectures en Île-de-France. Elles avaient proposé (9 octobre) l’opération « Ouvrons les préfectures ! ». Dans un communiqué, elles expliquaient que « la plupart des préfectures d’Ile-de-France ont dématérialisé leurs services : pour déposer ou renouveler une demande de carte de séjour, les personnes étrangères ont désormais l’obligation de prendre rendez-vous par internet ». « Hélas, cette évolution a de lourdes conséquences pour les personnes concernées, cette prise de rendez-vous se révélant bien souvent impossible ! ». Elles constataient qu’aux « longues files d’attente devant les Préfectures que nous déplorions auparavant, se substituaient des files invisibles, dématérialisées ». « Ce sont des dizaines de milliers de personnes dans la région qui se voient bloquées dans leur accès aux droits. Nombre d’entre elles, déjà détentrices d’une carte de séjour, n’arrivent même pas à faire renouveler leur carte à temps du fait de l’absence de rendez-vous disponibles, ce qui peut entraîner la perte de leur emploi et de leurs droits sociaux », dénonçaient-elles alors.

(1) : Les associations signataires de cette tribune, réunies au sein du collectif GTIAEP 34, sont ABP 34 (Amoureux au Ban Public), Accueil migrants Sète, Centre Frantz Fanon, AIDES Occitanie, Cimade 34 Béziers, Cimade 34 Montpellier, Cimade 66, EGM 34 (Etats généraux des migrations), LDH 34 (Ligue des Droits de L’homme), RESF 34 (Réseau Éducation sans frontières), RESF 34 Sète- bassin de Thau, SAF 34 (Syndicat des Avocats de France).
(2) : Secours Catholique Île-de-France, Cimade Île-de-France, Ligue des Droits de l’Homme Île-de-France, Gisti, Syndicat des avocats de France (SAF), Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Les amoureux au ban public, Act Up Paris, Comegas, Dom’asile, Droit d’urgence, Habitat-Cité, etc.