Prep et femmes migrantes

2 Mars 2023
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En Belgique, très peu de femmes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne ont accès à la Prep d’après une étude publiée dans la revue médicale Guilford Press Periodicals, rapporte le site Aidsmap. Une situation qui est attribuée à un faible niveau de connaissance de cet outil de prévention du VIH. Selon cette étude, cette faible connaissance s'explique en partie par la tendance chez certains-es professionnels-es de santé de ne pas informer les femmes migrantes sur la Prep en raison de croyances (souvent stigmatisantes) sur leur capacité à accéder, comprendre et utiliser la Prep. Bien qu'elles ne représentent que 2 % de la population belge, plus d'un tiers des nouveaux diagnostics de VIH en 2020 concernaient des femmes originaires d'Afrique subsaharienne. Les recherches indiquent que les conditions sociales vécues pendant et après la migration (telles que la pauvreté et l'inégalité d'accès aux soins de santé) augmentent le risque de contracter le VIH, avec entre un quart et un tiers des migrants-es subsahariens qui contractent le VIH après leur arrivée en Europe. Dans le plan national belge de lutte contre le VIH, les populations migrantes et sans-papiers sont identifiées comme une population clé ayant besoin de la Prep. Néanmoins, les usagers-ères de Prep en Belgique sont en grande majorité des hommes blancs, gays et bisexuels, et ni l'expérience de la migration, ni le statut de sans-papiers ne sont mentionnés dans les critères d'éligibilité à la Prep en Belgique. Le Dre Sarah Demart (sociologue à l'Université Libre de Bruxelles) et Emilie Gérard (professionnelle de la prévention du VIH travaillant pour Plateforme Prévention Sida) ont interrogé des professionnels-les de la prévention du VIH de 21 organisations travaillant au sein des trois régions de Belgique en 2021 et 2022. Ce qui est apparu clairement au cours des entretiens, c'est que de nombreux-ses professionnels-les de santé ne font pas la promotion de la Prep auprès des femmes migrantes, car ils-elles considèrent que la Prep est un outil « trop compliqué » pour en discuter avec ce groupe. En discutant des différences culturelles supposées, les professionnels-les ont fait preuve d'attitudes « racistes, essentialisantes et paternalistes ». Ils-elles ont fait valoir qu'en raison du faible niveau de connaissances en matière de santé sexuelle, il valait mieux ne pas mentionner la Prep aux femmes qui, selon eux-elles, n'étaient pas « prêtes » à utiliser cet outil. Ils-elles craignaient qu'en prenant la Prep, ces femmes n'utilisent plus de préservatifs lors de leurs rapports sexuels, ce qui les exposerait à des risques d'IST et de grossesse. Extrait d’un des entretiens : « Elles ne conçoivent pas la prévention de la même manière que nous. Elles croient fortement que mettre du gingembre dans leur vagin va changer quelque chose (…). Je pense que nous n'avons pas la même compréhension des choses, nous sommes plus ancrés dans quelque chose de médical et elles sont plus dans quelque chose de magique... spirituel, naturel ». Cette étude révèle des attitudes et des croyances paternalistes et souvent inquiétantes à l'égard des femmes migrantes d'origine africaine chez certains-es professionnels-es de santé belges, ce qui crée un obstacle important à l'accès de ces femmes à l'information sur la Prep. Ces professionnels-les agissent comme des gardiens-nes de l'information sur la Prep, empêchant les femmes migrantes de faire leurs propres choix sur la façon de protéger et de promouvoir leur santé sexuelle. L’étude souligne également que les barrières structurelles telles que les restrictions d'accès aux soins pour les migrants-es peuvent rendre les professionnels-es de santé réticents-es à parler de la Prep aux femmes migrantes. La suppression de ces barrières nécessitera une action politique de la part des pouvoirs publics.